Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionJune 26th, 2010
  • Dormir dans une place qui s’appelle « Death Valley » a quand même un petit côté stressant… dans le même temps, avec les journées que l’on a, le stress ne dure pas longtemps, et fait vite place à un long sommeil profond et réparateur. Cette nuit non plus, nous ne serons attaqués ni par des chacals, ni par des ours, ni par la horde sauvage venue nous dépouiller de nos biens. Ce matin, ça sera la chaleur qui me réveillera. A 6h. La journée s’annonce chaude… Fannie se lèvera un peu plus tard ; petite routine du matin, on démonte la tente, on finit de ranger les affaires.

    On s’en doutait un peu. Tout les petits trous dans la petite falaise qui nous abritait, c’était pas juste pour faire joli. C’était probablement habité. Ça fait quelques jours qu’on fait relativement attention quand on se promène (Fannie avait d’ailleurs vu un serpent à sonnette quelques jours plus tôt). On évite, par exemple, de se promener pieds nus dans l’herbe. Beau spécimen de serpent, en tout cas, qui traverse tranquillement l’endroit qui nous servait de lieu de campement… 15 minutes plus tôt !

    Nous sommes encore a environ 1000 mètres d’altitude ; nous devons descendre jusqu’à -83. Il est à peine 8h du matin, mais aujourd’hui, on passera presque toute la journée les vitres fermées, et la clim à fond. On n’est pas encore dans le « cœur » de la Death Valley, même si on est déjà dans le parc. On est dans la vallée juste avant. Il nous reste donc encore une montagne à franchir. Mais ça ne change pas grand chose : c’est désertique, c’est sec, c’est chaud.

    Défi numéro 3 : faire des photos gothiques dans le désert.

    Proposé par moi-même, à moi-même. Après tout, le paysage semble plutôt approprié pour ça. On s’arrête donc sur le bord de la route. Il est 8h30 du matin. La température est d’environ 30 degrés. Je pense à mes bottes, mon pantalon, mon manteau… ça me motive à faire ça très vite ! La séance photo durera moins de 5 minutes !

    Voir un vautour en train de manger un reste de charogne sur le bord de la route, ça fait tellement « Death Valley » qu’on se demande même s’il n’est pas apprivoisé pis qu’il passe ses journées à faire semblant de manger des carcasses sur le bord de la route ! Mon seul regret : qu’il ne soit pas venu se poser sur mon épaule pendant la séance photo précédente. Me semble que ça aurait fité pas mal !

    On fait péter le 35 degrés à 10h du matin, alors qu’on rentre dans ce que j’appellerais « la vallée principale ». Principale, dans le sens que c’est là où il y a le plus de choses touristiques à voir, et que c’est le point à partir duquel le parc devient payant. On fait une petite pause dans un magasin de souvenirs sur-climatisé ; on discute 5 minutes avec la vendeuse, qui travaille ici depuis un an et demi environ. Les gens qui travaillent ici habitent ici. Ils ne doivent pas être plus d’une dizaine je pense. Le ranger qui fait payer l’accès au parc, la vendeuse, le responsable de l’hôtel, le barman, la serveuse… bel endroit pour vivre en ermite.

    Juste après ce petit point d’accueil, il y a des dunes, où on va se promener un peu. Erreur classique de touriste : aller marcher en sandale dans les dunes. Quand il fait 35 à l’ombre, ça veut dire que le sable est chaud. Très chaud ! Par contre, on oublie pas de toujours avoir une bouteille d’eau avec nous. On a une vingtaine de litres en stock dans la voiture, une autonomie de prêt de 400 kilomètres au niveau du réservoir… et on se tartine de crème solaire aux deux heures. Autant éviter de trop faire n’importe quoi.

    Mais on peut quand même prendre un peu le temps de jouer avec l’appareil photo !

    Ou plus sobrement :

    Twenty mule teams (l’équipe des 20 mules)

    Quand on voit à quel point l’endroit est chaud, aride, peu accueillant, pas agréable, on est quand même en droit de se demander comment ça se fait qu’il y ait quand même eut des gens pour venir s’installer ici. Certes, aujourd’hui, il y a le tourisme (qui semble quand même plutôt bien marcher dans la région) mais l’histoire de la Death Valley remonte pas mal longtemps en arrière.

    Certaines régions de la Death Valley ont un sous-sol relativement riche. On passe par exemple juste à côté d’une très importante mine de borax (minerai que l’on utilise dans la fabrication du verre, de la céramique, et un peu en métallurgie). La mine a été exploité pendant près d’un siècle, commençant à la fin du 19e. Le borax était livré aux villes « voisines » (à environ 200 kilomètres) par un attelage composé de 20 mules qui tiraient trois chariots. Les deux premiers de Borax (environ 14 tonnes chacun) et le dernier était un réservoir d’eau de 4500 litres. L’attelage complet faisait 30 mètres de long, pour un poids d’environ 33 tonnes. Une tonne et demi par mule, en plein désert, belle performance !

    Version courte :

    À 11h30 du matin, la température extérieure est de 40°. C’est intense un peu, mais on survit ! Ce soir, on est supposé dormir au Circus Circus !

    Version un peu plus longue :

    On est surpris un peu de trouver une petite zone de verdure au milieu de ce désert. Il y a là une toute petite mini ville, avec le centre d’information touristique. Il y a même un accès internet gratuit, qui a permis le petit mot précédent, histoire de vous rassurer sur le fait que nous étions toujours vivants ! Et puis aussi de vérifier la suite du programme : nous devons être à Vegas à 18h, pour retrouver Jane et partager une chambre d’hôtel avec elle et ses amis. Sauf que pour le moment, nous n’avons pas de nouvelles. On se pose quelques questions, mais bon… on a encore des choses à voir !

    Défi numéro 4 : conduire dans le désert

    (De moi à Fannie) Un peu plus loin sur la carte, on voit une petite boucle qui s’appelle « artistic road » ; quand on y arrive, on découvre que c’est une petite route toute tranquille en sens unique. Fannie n’a jamais vraiment conduit ; on en avait parlé à plusieurs reprises : « si tu veux, rendu dans le désert… » ; sauf qu’on avait beau être au milieu du désert, il restait quand même un peu de circulation… mais là, sur cette belle petite route en sens unique, elle finit par accepter. C’est tranquille, il n’y a absolument personne, c’est le lieu idéal… ou presque : la route se veut une petite promenade d’observation et circule entre les rochers dans un enchaînement de lacets tous plus raides les uns que les autres ! Un peu intense comme première expérience de conduite, mais on rigole bien quand même !

    Nous arrivons au « devils golf course ». J’ai quand même un moment d’inquiétude en voyant le nom. Pour avoir déjà vu quelques terrains de golf dans des milieux on ne peut plus arides, je me dis qu’il y a sûrement des américains assez stupides pour avoir envie d’en faire un au milieu de la Death Valley. On sera rassuré en approchant ; le nom est un trait d’humour. Il s’agit en fait d’un champ de sel cristallisé, donnant l’impression de se promener au milieu d’un champ labouré à la sauvage. Un panneau nous informe qu’il peut être dangereux de s’y promener, le sol étant très irrégulier, et surtout extrêmement dur. Le sel cristallisé à l’air en effet extrêmement dur !

    La route longe le bord est de la vallée, mais le « terrain de golf » se trouve en plein milieu. C’est là que l’on découvre les effets trompeurs de la chaleur, car alors que l’on croit que la vallée n’est pas si large que ça, on roule prêt de deux kilomètres pour arriver au stationnement. Et nous sommes encore loin du milieu de la vallée ! D’ailleurs, le terrain de golf semble maintenant s’étendre à l’infini… dans toutes les directions !

    Le paysage se prête définitivement à une deuxième séance photo. Sauf que maintenant, il fait 45 degrés, et j’ai pas vraiment envie de refaire un changement complet. En fait, la solution est très simple, et je regrette de ne pas y avoir penser plus tôt. Il me suffit de mettre le manteau, et le tour est joué ! Enfin… il fait chaud pareil là dessous ! Les quelques touristes qui sont là en même temps que nous me regardent avec un drôle d’air. Allez savoir pourquoi !

    Badwater, c’est le point le plus bas des États-Unis. 85 mètres sous le niveau de la mer. Pourtant, nous ne sommes pas si loin du Mont Whitney, qui lui est le point le plus haut des États-Unis (hors Alaska) à 4421 mètres. Une telle proximité (217 kilomètres) a fini par donner des idées à certains sportifs psychopathes. Al Arnold, en 1977, a été le premier à courir d’un point à l’autre. Exploit reproduit en 1981 par James Birghiman ; la course deviendra officielle en 1987, et aura lieu chaque année en juillet. À notre grand regret, nous arriverons donc trop tôt pour participer ! À noter que cette année, le premier a fait le parcours complet en 24h et 45 minutes et que le plus vieux participant, à 75 ans (pour sa 12e et dernière participation) l’a complété en 60 heures.

    Nous, on prendra ça beaucoup plus relaxe. On gare la voiture sur le parking, et on va marcher un peu sur le sel. Ça a la couleur de la neige… mais c’est tout. Il fait horriblement chaud, et une fois de plus, les distances sont trompeuses. Ça prend pas mal plus de temps que ce que l’on pensait de se rendre dans un endroit plus « blanc ». Je n’ai pas l’habitude de porter des lunettes de soleil. J’ai donc laissé les miennes dans la voiture. Je ferais donc une bonne partie de la marche les yeux fermés. Il est 13h, le soleil est pas mal au zénith, et il tape comme il peu. La voiture annonce 45 degrés comme température, mais je pense qu’en plein soleil au milieu de ce champ de sel, on n’est pas loin des 50. On marche 30 minutes. On boit un litre d’eau à deux.

    Même avec la clim, la chaleur est assommante, surtout quand on sort de la voiture ; le soleil n’aide pas vraiment, pas plus que la courte promenade que l’on vient de faire. Je reprends le volant, tandis que Fannie s’endort en trois minutes. Sur ce coup là, je ressens un petit pincement de jalousie. Une sieste serait en effet la bienvenue ! Mais bon, Végas nous attend ! Je commence à bien connaître mes limites comme conducteur, et je sais donc très bien à quel moment il faut que je m’arrête. Habituellement, une petite pause de 5 minutes à marcher, un grand verre d’eau et une barre de céréales font des miracles pour transmettre l’information à mon cerveau comme quoi il dormira plus tard. Je gare donc la voiture, sort, fait quelques photos, grignote un peu, tranquillement. Fannie en profite pour se réveiller. Au cours des 30 dernières minutes, j’ai croisé une voiture. La route, cette fois, est droite. On procède donc à nouveau à un changement de chauffeur. On repart tranquillement. Mon cerveau, lui, a bien compris le message. Je n’ai plus envie de dormir. Fannie conduira jusqu’à ce que l’on revienne sur un axe plus « important », où je reprendrais le volant jusqu’à Vegas.

    J’avais parlé à deux personnes, qui m’avaient dit la même chose au sujet de la Death Valley : « c’est beau, mais c’est trop chaud, je n’y retournerais pas ». Je partage plus ou moins ce point de vue… en fait, à mes yeux, c’est magnifique. Ces immensités infinies et sans fin (ça c’est du beau pléonasme !) n’ont de cesse de me fasciner. Faute de temps, on a du passer beaucoup trop vite, pas eut le temps de s’arrêter assez, de faire ça doucement, et de tout voir. De mon côté, si l’occasion se présente, j’y repasserais volontiers. Beaucoup de choses que je souhaiterais voir, ou revoir. La chaleur ? Bien sûr qu’il fait chaud, et ça n’est pas nécessairement très agréable… mais on s’y fait !

    Les routes dans la région ont tout de même tendance à se ressembler. Longue, pis droite, pis qui semble continuer jusqu’à la fin du monde. Avec une ville de temps en temps. Et juste avant chaque ville, le bord de la route se rempli de panneau publicitaire. Il y en a beaucoup. Beaucoup trop même. C’est la première fois que la publicité sur le bord de la route me gêne en conduisant ! Tellement d’images, de couleurs, de textes, d’affaires destinées à vous attirer le regard, que je suis déconcentré. Cette overdose de publicité est carrément dangereuse. C’est quand même assez surprenant de réaliser ça ! Enfin… je pose la voiture sur le cruise control, et elle nous amène bien gentiment, à 140 km/h, jusqu’à la ville des pêchés…

    Et nous arrivons à Vegas…

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