Le lendemain, dimanche, a commencé avec un beau ciel bleu. En fait, il y a souvent une ou deux heures de ciel bleu pour commencer la journée. Genre de 8h à 10h. Peut-être qu’en fait je devrais faire du camping, dormir tout là-haut, admirer le lever de soleil, puis voir le soleil disparaître. Ce qui est sûr, c’est que je prends désormais les débuts de journée avec des pincettes. J’ai bien compris que ciel bleu le matin, ça dure rarement bien longtemps. Et que passé 11h, les jours chanceux, c’est fini.
J’ai hésité, un peu, la veille, sur la suite de mon programme. Est-ce que je reste ici quelques temps ? Aujourd’hui, en principe, deux heures d’ensoleillement. Demain, normalement, le ciel sera dégagé jusqu’à midi environ. Après, ça part en n’importe quoi. Les sommets repérés la veille me font envie ; je serai curieux d’aller voir ce qui se cache de l’autre côté…. mais en même temps, ce serait découvrir une nouvelle zone, que je voudrais alors aller visiter. Et ça ne ferait que me rajouter des raisons supplémentaires de rester dans le coin. En même temps, c’est pas forcément une mauvaise chose… mais… je sais pas. Pour l’instant, j’ai envie de finir ma boucle d’au-revoir. Et faire les gorges du Gallego avec du soleil, ça me plait quand même bien. Oui, c’est officiel, j’ai décidé que c’étaient des gorges entre Riglos et la Peña. Vallée, ça fait trop sage, trop propre, trop régulier.
Mettre le Chamion en état de rouler n’est plus un problème depuis bien longtemps maintenant. Je maîtrise assez bien la routine, et il ne faut jamais longtemps pour que je me retrouve sur la route. Agüero disparait assez vite dans le rétroviseur. Je contourne Murillo sans m’arrêter, et je m’approche de l’entrée des gorges.
Je me gare sur un parking sur le bord de la route. Il y a un chemin qui permet de descendre à la rivière, et j’ai bien envie d’aller jeter un œil. De voir un dernier angle de vue, encore différent, sur les mallos. Et sur les lieux. Tout en profitant, oui oui, du soleil.
Et je remonte les gorges, en prenant mon temps, et en admirant. En remerciant le soleil, aussi, qui a fait l’effort de rester un peu. Pas longtemps. Mais un peu. Je roule encore un peu, après, remontant le lac, vers l’est. Pour m’arrêter… à la gare de Santa Maria y la Peña.
Parce qu’il y a là une dernière balade que je veux faire, avant de continuer. En fait, j’ai cette impression un peu étrange de ne pas avoir accordé à la Foz d’Escalete l’attention qu’elle méritait. Et puis j’ai aussi ce questionnement de savoir s’il est possible de traverser la Foz de Garoneta, plutôt que de la contourner. Sans compter, enfin, cette remarque -que sans doute personne n’a relevée- « Peu de temps après être entré dans la Foz, je croise en effet le panneau du GR95 (et ça ne sera pas la dernière fois !) ». Parce que oui, quand je suis passé par la Foz la première fois, je pensais y passer une deuxième fois, mais tourner à gauche au niveau de ce panneau (pour rejoindre la peña del Sol). Sauf que finalement, je suis passé par la Foz de Garoneta. Alors pour ne pas me faire mentir, il fallait que je repasse par ici, pour revoir ce panneau. Non ? Et comme il existe un chemin reliant les deux Foces, il est en effet possible de faire une boucle. Entrer par une porte, sortir par l’autre… ça me plait bien.
Et donc, le Chamion garé, je suis parti à pied. En prenant quelques raccourcis pour éviter des grands détours (non, le raccourci ne consistait pas à suivre la voie ferrée ; juste à la traverser à un moment). Et en commençant, par curiosité, par aller voir aux pieds des gorges à quoi ça ressemble (le chemin officiel passant plus haut). L’entrée par le bas étant nettement impraticable, je fais demi-tour, et remonte.
Et je repasse cette magnifique ouverture dans la roche ; que je ne peux m’empêcher de trouver grandiose. La route, creusée à même la roche ; en partie gagnée sur le vide. Cet endroit me plait vraiment beaucoup.
Et cette fois, j’en profite aussi pour faire ce que j’aurais du faire la première fois : une vue plus large, et reconstituée, de l’ensemble. Histoire de se rendre un peu mieux compte.
Et je m’éloigne petit à petit, non sans me retourner assez régulièrement quand même. Il y a un petit sentier, qui descend en dehors du chemin principal. Je me dis que j’aurais peut-être un joli point de vue sur la « porte » en passant par là. Mais j’ai beau avancer, je ne vois rien de mieux. Le petit sentier se transforme en raccourci pour rejoindre le chemin principal un peu plus loin… me faisant rater le croisement de jonction avec le GR95. Gasp… j’aurais essayé, mais finalement, bin non, je n’aurai pas revu ce panneau. Tant pis pour les effets d’annonce ! Je reviens quand même un peu sur mes pas, pour essayer de trouver un meilleur point de vue sur la porte.
À partir de là, ce n’est plus que de la marche tranquille sur un chemin forestier (mais sans forêt), jusqu’à faire la connexion avec la randonnée au départ de la Foz de Garoneta. À droite, je repars pour une ascension longue et fatigante ; à gauche, je redescends sur Casablanca.
Je prends l’option qui me permettra de rentrer au Chamion ; l’idée d’aujourd’hui, c’est quand même de rester sur une balade tranquille. Je prends donc à gauche, et redescends au soleil, sur Casablanca. Faut croire qu’il fait toujours soleil à Casablanca !
Et je continue de descendre, afin de rejoindre ce que j’espère être ma porte de sortie : la Foz de Garoneta. Le chemin part prometteur, large, et confortable. La présence d’un pipeline est aussi bon signe. Il doit y avoir des gens, qui passent de temps en temps, pour jeter un œil… ou, au moins, il y en a qui sont passés un jour pour assurer l’installation.
Et soudain, ça dégénère.
En soit, le passage ne serait pas hyper problématique, si ce n’était l’énorme fuite d’eau sur le tuyau. Qui rend le rocher tout mouillé, et tout glissant. Et qui met de l’eau tout plein partout. Pas grave, je passe en mode power-ranger. Enfin je mets le téléphone et l’appareil photo à l’abri dans le sac quoi. Et j’y vais tout doucement, en me tenant bien pour pas glisser. Au pire, j’aurais les pieds mouillés. Mais si j’ai réussi à traverser le Salto de Roldán, je me dis que la Foz de Garoneta doit être faisable aussi.
Une fois le passage délicat derrière moi, je laisse quand même l’appareil photo dans le sac. Mais je ressors le téléphone, pour documenter un peu la suite. Moi je vous dis, ça va passer ! Je passe mon temps à sauter d’un côté à l’autre du ruisseau. À chercher les cailloux qui affleurent, à poser mon poids doucement sur une motte d’herbe pour être sûr qu’elle tienne le coup… Puis je ressors l’appareil photo, tout en continuant d’avancer en y croyant dur comme fer. Le célébrissime « c’est passé jusque là, donc autant continuer ! ». Les échelles/passerelles vendent du rêve. Mais là aussi, c’est plutôt bon signe… à une époque, il y avait plus ou moins un aménagement.
Et finalement, je n’ai plus le choix. Je dois me rendre à l’évidence… j’ai traversé ! Les parois s’éloignent à nouveau, il redevient possible de marcher normalement. Je me suis bien débrouillé ; je me suis légèrement mouillé un pied ; et c’est surtout parce que mes chaussures ne sont plus étanches depuis un moment maintenant !
Je marche encore un peu, sors des fourrés et des buissons. Et je me retrouve dans le vide. La sensation est vraiment surprenante, et il me faut un moment pour m’y habituer. Pourtant, je ne suis pas resté très longtemps dans les gorges ; la traversée a été assez rapide. Mais pendant ce bref laps de temps, j’ai été « enfermé » entre les falaises. Mon univers visuel se limitant à quelques mètres carrés. Là où se trouvaient mes pieds… et là où j’allais les poser ensuite. Avec le bruit du ruisseau, qui se répercute sur les rochers. Et je passe soudainement d’un espace très clôt, à ce paysage ouvert vers le lointain… c’est… surprenant !
Mais j’ai traversé ! Bon, clairement, c’était compliqué, et je ne l’aurais pas fait en début de randonnée. Par contre, sachant que maintenant je n’ai plus que du chemin tranquille, ça ne me dérange pas vraiment d’avoir un pied humide.
Je repars en prenant mon temps sur le chemin. Je rejoins la route, traverse le pont (où je repasserai dans pas longtemps du tout avec le Chamion) et je fini ma boucle jusqu’à la Peña. Où le Chamion m’attend.
Un petit 14 kilomètres, assez tranquille.
Avec un dénivelé de 363 mètres tout ce qu’il y a de plus raisonnable.
(ce qui est bien avec ce profil, c’est que l’échelle verticale change à chaque fois ; du coup, même un 350 m de dénivelé, ça donne l’impression d’être héroïque et d’avoir grimpé l’Everest !)
Je m’étais posé la question, en arrivant, de passer la nuit ici. Mais de l’autre côté de la voie, il y a une usine de creosate. Du genre qui met de la creosate sur tous les bouts de bois qu’ils arrivent à trouver. Il y’a quand même surtout une magnifique pile de poteaux électriques, mais pas que. La creosate, y a pas à dire, ça se sent. Beaucoup. Et loin. Ça doit pas être hyper agréable d’habiter ici. Pas même pour une nuit. Ça ne me donne pas envie de dormir. Et puis je préfère avancer encore un peu aujourd’hui, ça colle mieux avec la suite de mon programme. Je reprends donc la route.
Peu après, je franchis le pont qui me fait quitter la route « principale » et aussi la vallée du chemin de fer. Je pars sur ma route à moi, encore inconnue, juste aperçue de loin, et un peu depuis en haut.
La dite route n’est pas large ; et n’est pas forcément ce que l’on fait de mieux en terme d’entretien. En même temps, en a-t-elle vraiment besoin ? Je croise zéro véhicule en l’espace d’une demi heure. Oui, c’est loin, c’est quand même à 12 km. En même temps, le paysage incite encore plus que la route à ne pas aller vite !
Le Chamion garé, je pars faire le tour du village. Parce que oui, il est encore tôt ; en plus, le soleil se couche une heure plus tard que d’habitude. Et puis je suis encore en pleine forme. Et puis aussi, parce que bon, Rasal, c’est douze voitures, huit habitants et une cheminée traditionnelle, donc le tour se fait vite.
Tour du village fini, retour au Chamion. Léger déplacement de Chamion, pour optimisation pour la soirée et pour le départ en rando (très) tôt demain. En principe, il fait beau jusqu’à midi, et je compte bien en profiter. On verra bien !
“Coucou ! Chu caché(e) !!!”
Jeu de gamins où on se perd. La rando, c’est pareil : j’adore les circuits parce qu’on se perd, ou tout comme, et soudain on retrouve son point de départ mais en passant par un cheminement inconnu.
On a alors l’impression qu’on a créé ce chemin-là !