Je me suis levé sans faire de bruit. Je suis sorti, je suis allé au centre-ville, j’ai récupéré la voiture, et je suis revenu. Laurie est une princesse pirate. Il semblerait que le loueur de voiture était au courant. Du coup, il m’a upgradé jusqu’au stade « carrosse » pour que le véhicule convienne à sa passagère. Je me suis donc à nouveau retrouvé dans une Subaru. Mais un modèle encore plus gros que la legacy. Sisi, ça existe. Ça s’appelle un forester, et je pense qu’on doit pouvoir y rentrer une Twingo à l’intérieur. Déjà que la Legacy consommait beaucoup… une chance qu’il n’y a pas tant de kilomètres que ça de prévu aujourd’hui… comment on peut conduire un truc pareil… quel plaisir peut on ressentir à conduire un truc aussi énorme ? Parce que la puissance du moteur, je l’avais déjà dans la Legacy. Là, à me retrouver au volant d’un truc pareil, je n’ai qu’une impression : je dois sûrement avoir quelque chose à compenser…
En arrivant à Montréal en août, j’avais fait un détour par chez Archambault. Mon magasin d’instrument de musique préféré à Montréal… au rayon des pianos numérique. Pour envoyer quelques conseils à Solenn… je m’étais retrouvé à déambuler dans les pianos à queue, format concert… j’en avais essayé un. J’avais regardé le prix. Ma conclusion était évidente : j’achèterais un piano bien avant d’acheter une voiture de sport. Après trois mois de voyage, j’ai envie de présenter les choses autrement : pour le prix d’un Tribeca neuf, de base, sans option, je peux voyager pendant un peu plus de deux ans comme je viens de le faire (trois ans avec toutes les options)… d’ailleurs, on se posera la question en rigolant, avec Laurie plus tard dans la journée… ça se vole facilement une voiture de location ?
Je suis de retour à la tente-roulotte. La princesse pirate joue à la belle aux bois dormants. Je n’ai pas l’habitude de rencontrer des personnes qui ont besoin de plus de sommeil que moi (certes, je fonctionne un peu sur la réserve en ce moment), mais je trouve que ça a un côté agréable. D’autant plus que, même quand je la réveille, Laurie ouvre des yeux brillants de bonheur et offre un sourire plein de joie et d’enthousiasme. Je sais déjà que c’est une des choses qui me manquera le plus après que nos routes se soient séparées. Demain…
Oui, je garde ça pour demain. Aujourd’hui, une fois Laurie prête, nous partons en direction de l’est, sur la 84. Petit moment de bonheur : une des choses que je dois bien reconnaître aux Subaru, quand même, c’est la qualité de leur système de son (si ma Twingo peut s’aligner sur le démarrage à fond, si elle domine carrément et de loin sur le plan de la consommation d’essence, je dois bien reconnaître que la qualité des enceintes, c’est pas tout à fait ça). Nous avons pas mal parlé de musique, sans pour autant en partager jusqu’à présent. L’un des défauts du stop : on ne peut pas vraiment proposer notre propre musique… mais là, on peut enfin passer de la théorie à la pratique. La route se fait donc dans un échange des plus sympas. Je découvre un morceau qui me donne envie de m’en faire écouter un, qui m’en rappelle un autre…
Laurie ne sait toujours pas où nous allons. Le premier arrêt, assez rapide, se fait au niveau de la « View House », un point de vue magnifique (un peu moins par temps gris) sur les gorges de la Columbia River.
Puis nous continuons la route. Mon objectif est un peu plus loin, mais nous faisons quand même un autre petit arrêt rapide aux chutes de Latourelle. Je redécouvre ces chutes, absolument magnifiques, que j’avais déjà vues, et que j’avais oubliées…
Nous reprenons la route. Pas très longtemps. Cette fois, c’est à Multnomah Falls que l’on s’arrête. J’en garde un souvenir d’un lieu absolument féérique, avec sa chute en deux étages, et le pont qui passe au milieu (j’avais retrouvé un peu ce sentiment au Cirque de Saint Même, en France)… aujourd’hui, avec un ciel gris, légèrement pluvieux, la féérie a disparu. Il manque le côté magique que j’avais ressenti la première fois. C’est dommage… les chutes restent très belles, mais pour la première fois depuis que je suis de retour en Oregon, je découvre un lieu qui n’est pas à la hauteur de mes souvenirs. Laurie avait entendu parler de ces chutes, mais n’en avait jamais vu de photos. J’avais envie de lui montrer. Elles ne seront pas aussi belles pour elle qu’elles ont pu l’être pour moi. Ce n’est pas grave. Moi, je suis quand même heureux de les retrouver ! Un peu déçu, par contre, qu’elle n’ai pas pu voir le mont Hood dans toute sa splendeur. Il est resté cacher dans les nuages tout le long. Dommage…
Et ça ne m’empêche pas de faire une autre petite série de photos pour un petit montage amusant :
Et puis, la nature faisant bien les choses, elle met sur la route de Laurie une petite salamandre assez magnifique. Et Laurie tombe sous le charme.
Une fois de plus, nous remontons dans la voiture pour un bref trajet. Nous nous arrêtons sur le bord du fleuve. Il est l’heure de manger… et le menu du pique nique nous donne l’eau à la bouche depuis la veille. Car le lecteur attentif n’aura pas oublié que nous avons acheté de la fondue la veille, mais que celle-ci n’a pas encore été consommée… nous nous rattraperons donc, faisant disparaître le reste de la miche de pain et de la baguette… mélange intéressant, quoi que loin d’être aussi bon qu’une fondue classique. Un goût de vin blanc un peu trop présent, mais pas si désagréable, après tout… et puis bon… ça n’est quand même pas tout les jours que l’on peut manger une fondue dans pareil paysage !
Nous sommes allés au plus loin que je voulais aller en direction de l’est. Nous faisons donc demi-tour, traversons Portland, et repartons plein ouest. J’ai eu cette idée d’excursion, alors que nous étions à Umpquat. Laurie m’avait dit qu’elle adorait l’eau et qu’elle adorait être sur une plage. J’avais immédiatement eu l’image d’une de mes plages préférées en Oregon. À ce moment là, nous n’avions pas encore prévu de descendre jusqu’à Crescent City. Je ne pensais donc pas que j’aurais revu l’océan d’ici notre retour à Portland. Et pour des besoins d’écriture, j’avais besoin de refaire un saut rapide sur le bord de l’eau. J’aurais pu la faire tout seul une fois Laurie partie, mais je lui ai proposé d’en profiter. Je crois que j’ai eu raison…
Nous sommes arrivés à Canon Beach un peu plus tard que prévu (entre autre parce que je me suis un peu perdu dans les rues de Portland). Et que la route était plus longue que ce que je pensais. Mais nous avons fini par arriver. La région est en alerte tempête. C’est la première tempête hivernale. Avec des vents violents attendus.
Si on résume ? Plage, paysages dramatiques, lieux magnifiques, éléments déchainés, vagues énormes… j’ai perdu Laurie. Je l’ai vue disparaître dans sa bulle, et partir. Je l’ai admirée devenir le vent, ne faire plus qu’un avec les éléments. Je l’ai regardé se fondre complètement avec ce qui l’entourait. Je l’ai vue dans toute la gloire de sa liberté et de son indépendance. J’ai repensé à Widow, l’aigle de Joe prenant son envol. Et j’ai eu exactement ce même sentiment d’admiration, qui m’a laissé sans voix, debout sur la plage, en simple spectateur. J’imaginais ce que Laurie pouvait ressentir en ce moment présent. Je l’imaginais pour l’avoir moi même déjà ressenti. La dernière fois, je crois, c’était à Montpelier. Alors que je me battais jusqu’à l’épuisement contre les vagues énormes d’une mer déchainée. Rage de liberté, qui vous transforme en bulle d’énergie inépuisable.
Et puis Laurie a fini par revenir. Nous sommes revenus à la voiture. Pour notre dernière destination de la journée. J’ai quelques lieux de pèlerinage en Oregon. Quelques endroits où j’ai besoin de retourner. Je ne sais pas ce qui me ramène à Hug Beach à chaque fois. Évidemment, la plage est absolument magnifique. L’endroit me plait. La petite cascade est unique. Mais il y a quelque chose en plus. Il y a ce petit quelque chose de magique que je ne m’explique pas. Aucun souvenir inventé ici. La rencontre avec Anya dont le piano s’appelle Sébastien s’est bien produite. J’y suis revenu plus tard avec Danielle… j’imagine que c’est simplement un de ces lieux où l’énergie est telle que l’on se sent en connexion avec tout le reste… J’imagine…
La journée finissant, nous sommes revenus à Canon Beach. J’avais repéré une petite brasserie qui avait l’air sympa, et l’idée de se prendre une petite bière avant de rentrer nous plaisait bien.
Nous étions de retour à Portland à 21h. La veille, au Whole Food, nous avions pu admirer les bars à salades sans en profiter. Ce que nous avions trouvé un peu dommage. Nous avons donc décidé de revenir prendre notre repas du soir ici. Parce que l’endroit est vraiment agréable, et parce que la nourriture est bonne. Il nous restait une dernière mission pour la journée : Laurie a réservé son billet de bus, mais il nous fallait encore le payer. Non pas à la gare centrale, mais dans un seven eleven (oui, un dépanneur). C’est un peu bizarre, mais bon… pourquoi pas ! Je suis allé demandé à la fille de l’accueil si elle savait où était le plus prêt. Elle a jeté un oeil rapide sur internet, avant de me donner l’adresse. Et puis on a discuté un peu. Je lui ai demandé si elle avait des conseils d’endroits où sortir. Elle nous a fortement recommandé le Bar Bar, rue Mississippi. Alors comme c’était une parfaite étrangère dont nous ne savions absolument rien et en qui nous n’avions aucune raison d’avoir confiance, nous avons suivi ses conseils, dès que les questions de billets de bus furent réglées.
On s’est retrouvé dans un endroit très sympa, avec un choix de bières assez classiques en Oregon, à savoir six ou sept bières de micro brasserie locales à la pression. J’aime l’Oregon, je ne sais plus si je l’ai déjà dit… une grande salle intérieure, et surtout, une très grande terrasse extérieur, avec un feu qui tient chaud. Alors on s’est posé prêt du feu. On a commencé à discuter entre nous, avant de rapidement commencer à discuter avec nos voisins. Notamment un gars qui parlait très bien français, presque sans accent. Il nous a expliqué qu’il était moitié français, moitié américain. Marin de profession (ou plutôt, à ce que j’ai compris, technicien hyper qualifié spécialisé dans le pilotage de sous-marin utilisé pour la pose de câble enfouie au fond de l’océan), on l’a écouté nous parler de ses anecdotes d’un peu partout. Du cachalot qui fait un clin d’oeil par le hublot du sous marin au grand blanc qui essaie de rentrer dans la cage d’où on peut les regarder… je me demande qui de Laurie ou de moi se surprend le plus à rêver en l’écoutant. À tout hasard, parce qu’il faut toujours d’essayer d’ouvrir des portes et de chatouiller la chance, je lance en rigolant un « vous ne cherchez pas des stagiaires par hasard » ? Bon, ça ne coûtait absolument rien d’essayer ! En vacances pour quelques mois à Portland avant de continuer pour l’Égypte, il était tellement sympathique que c’est lui qui nous a offert la deuxième tournée !
Un peu après, nous étions de retour dans notre petite maison triangulaire.
En fait, ton 3° tome est écrit avec tous ces textes…?
Le principe de l’autofiction, est d’être en partie inspirée de la réalité. J’ai toujours eu des blogs de voyage super détaillés, mais aujourd’hui j’ai une raison de plus pour le faire : mes livres. L’idée n’est pas de copier directement les textes du blog dans mon livre, mais potentiellement de m’en inspirer. Ou pas. Récupérer une anecdote à droite, compléter avec un événement imaginaire à gauche, ajuster deux trois trucs pour que ça tienne, faire un peu de bricolage, rajouter deux bouts de scotch, et arriver à une histoire qui tient la route (enfin j’espère ;)). C’est un peu comme ça que j’ai monté les deux premiers tomes.
Un exemple concret mais imaginaire : la rencontre avec ce marin franco-américain était bien sympa, mais pas forcément marquante. Il y a de fortes chances que je l’ai oubliée dans un mois. Pourtant, peut être qu’en relisant le blog à un moment en quête d’inspiration pour un passage de mon livre qui n’avance pas, je me dise que je pourrais ressortir cette rencontre. La développer, l’ajuster un peu, rajouter des dialogues éventuellement. Et la transposer dans une brasserie d’une autre ville, parce que c’est là que mon narrateur est à ce moment là. Exemple fictif pour le moment ;)
[…] c’est l’occasion de vivre tellement de choses… de retourner sur la côte. De retourner à Hug Beach. Et cette fois, pour la première fois, de me baigner à Hug Beach ! C’est confirmé une fois […]