Nous nous réveillons le lendemain, toujours entourés de campings-cars. Ceux-ci se succèdent, les uns après les autres, pour aller vider leurs cuves d’eau grise, et remplir leurs cuves d’eau propre. Pendant que tout le monde se vide et se remplit, nous on retourne faire quelques pas sur la plage. Pas beaucoup. Il y a du vent, un peu, et il ne fait pas très chaud.
De retour à la maison, et puisque plus personne ne fait la queue pour se remplir et se vider, on en profite pour faire pareil. L’autonomie du Chamion est confirmée : escale technique aux deux semaines environ quand je voyage seul. C’est une autonomie qui me plait bien.
La suite de la route nous faisant passer par Agde, on décide de s’arrêter dans la ville sur laquelle nous ne connaissons absolument rien. Hors-saison… un vendredi après-midi légèrement couvert, peut-être, mais la semaine après le nouvel an. De quoi devenir dépressif… après être passé à côté d’un intermarché au parking bondé en arrivant en ville, on découvre un centre-ville tout simplement inexistant. Tout est fermé. Il n’y a personne dans les rues, les magasins sont tous fermés. Même pas moyen de trouver une boulangerie… bref, on erre un peu, mais on décide vite de ne pas nous éterniser.
Jusqu’au moment où on passe à côté d’un petit salon de thé. Ouvert. Éclairé. Chaleureux. On rentre, tout heureux de notre découverte. Accueillis par une madame charmante. On discute un peu. Commande deux chocolats chauds et des petits biscuits. Et comme elle vend du thé en vrac, qu’elle a de très jolies boites, et qu’elle vend du Genmaicha (thé vert au riz soufflé, découvert il y a des années de cela, lors de mon premier voyage à Vancouver en accompagnement de sushis) alors que ça fait un moment que j’ai envie de m’en racheter, on en profite aussi. Bref, cette petite pause vient réensoleiller un peu notre journée.
On rentre donc à la maison un peu plus joyeux, pour reprendre la route, et aller une dizaine de kilomètres plus loin. En effet, le lendemain Gaëlle doit prendre un covoiturage pour rentrer sur Lyon. Fin des vacances, début des partiels… nous roulons donc jusqu’à Bessan, où nous nous installons pour la nuit sur une petite aire de pique nique sur le bord de l’Hérault. Comme il n’est pas encore très tard, on va faire un petit tour à pied. Le village est presque aussi mort que Agde. Mais il y a quand même quelques personnes dans les rues. Et une boulangerie ouverte !
Le fait de dormir dans des lieux publics, des parkings, des aires de pique-nique permet de découvrir que les gens, en voiture, la nuit, ont des comportements étranges. À plusieurs reprises, je serai réveillé par des voitures, qui s’en viennent simplement faire demi-tour sur le parking, avant de repartir… bon, pourquoi pas…
Départ pour le péage d’autoroute le lendemain matin, où on attend la covoitureuse de Gaëlle bien confortablement installés dans la maison. Et puis je reprends la route à mon tour. Direction Saint-Thibéry, à dix kilomètres de là. Ce n’est pas pour le nom que je voulais y aller, mais pour le pont Romain annoncé sur l’Atlas (puis, découvert un peu après sur une pancarte, pour ses orgues basaltiques – nous sommes donc bien en région volcanique, dans la pointe sud de la chaîne des Puys).
En voyant le pont Romain, je repense avec amusement à mes commentaires sur les vestiges de l’aqueduc, à côté du Pont du Gard. Vestiges ignorés, du fait de la présence de ce voisin si impressionnant. Vestiges ignorés, alors que ce pont romain, annoncé dans un atlas routier, et sur plusieurs panneaux routiers n’est pas en aussi bon état. Mais l’endroit est agréable, l’Hérault (encore lui !) est joli, et le moulin du moyen-âge est sympa aussi. J’en profite pour apprendre que ce pont faisait parti de la Via Dominatia (la voie Domitienne). D’après le panneau présent sur place, cette voie reliait Rome à Valencia. Serais-je donc bien sur la route de Valencia ? L’idée me plait, mais je ne trouve pas confirmation que la Via allait jusqu’à Valencia. Seulement jusqu’en Espagne. Bon, on fera avec !
Et puisque je suis à Saint-Thibéry, village médiéval, j’en profite pour aller me balader dans ses rues. Je commence à être habitué à ses villages sans vie, avec presque personne dans les rues. Ici n’est pas différent d’ailleurs. Mais il y a quelques jolies maisons et un joli pont. Et de belles orgues basaltiques. Et un beau point de vue. Donc bon. C’est toujours ça.
Et je reprends la route. Je sais que j’approche de Béziers, où je n’ai pas particulièrement envie de m’arrêter. Mon atlas m’annonce un opidum un peu après Béziers. Je me dis qu’il y a probablement moyen de squatter le parking pour une nuit. Mais alors que je suis sur le contournement de Béziers, je vois régulièrement des panneaux annonçant « écluses de machins -j’arrive pas à me souvenir du nom- suivre Narbonne ». Ça tombe bien, puisque telle est ma direction. Et je me dis que sur un parking d’écluse, je pourrai peut-être aussi squatter pour la nuit.
Après m’être égaré parce que soudainement les panneaux de direction ont disparu (égarement qui m’a permis d’acheter une nouvelle poignée de porte, parce que oui, pour la petite anecdote, la poignée intérieure m’est restée dans les mains deux jours plus tôt, il me faut donc sortir par la fenêtre -pratique l’échelle de la mezzanine !- pour pouvoir fermer la porte depuis l’extérieure, bref il faut vite que je change cette poignée) ; je me décide donc à mettre le GPS, qui m’envoie n’importe où, mais surtout pas là où je veux aller. Mais comme je retrouve des panneaux, j’ignore le GPS et me remets à suivre les panneaux. Pour arriver sur le parking des écluses. Payant. Et interdit la nuit. Bon, d’accord, je m’y attendais. Park4night m’avait prévenu, mais je me disais que peut être avec un peu de chance… mais non… pas grave, Park4night m’a aussi prévenu qu’à 5 minutes à pied de là, il y a un vigneron, qui accueille les campings-cars. Je profite des derniers pourcentages de batterie du téléphone pour m’y rendre. L’accueil est sympa, je peux poser ma maison sans problème, je vois même la cathédrale de Béziers, loin là-haut sur sa colline. Avec des vignes au premier plan. Plutôt chouette !
(Bon, d’accord, j’ai téléobjectifé un peu quand même !)
Je me gare donc, et décide de partir à pied visiter les écluses dont j’ai oublié le nom, mais qui sont sur le canal du midi. Et en effet, en cinq minutes à pied, je suis sur le site à découvrir ses neufs écluses, qui en quelques centaines de mètres à peine, permettent au bateau une descente considérable ! Plus tard, ils installeront aussi un ascenseur à bateau. Mais les écluses ça reste plus impressionnant, plus photogénique et plus ludique !
Et puis de suivre le canal dans une petite balade sympa et tranquille m’amène jusqu’au pont Canal. Parce que oui, bon, un canal avec plein d’écluses n’est pas complet si en plus après il ne passe pas par dessus un fleuve !
Ok, d’ici, il faut bien le reconnaître, c’est quand même plutôt joli !
La ville n’est plus très loin, et le vigneron m’a parlé des illuminations de Noël de Béziers. Comme je suis juste à côté, je me dis que c’est le moment d’en profiter. J’avais pas forcément prévu de voir la ville, mais rendu là…
Je cherche un peu un itinéraire qui me permet d’accéder au sommet de la colline. Passe à côté d’un groupe de gamins qui m’interpèlent pour mon pantalon « hey, on dirait maître Yoda » ! Alors j’avais déjà eu le droit à « hey, on dirait Darth Vader » en me baladant en gothique, mais j’avoue que je ne vois pas le rapport entre mon sarouel et un maître Jedi. Mais pourquoi pas ! Ça a l’air de leur faire plaisir, je vais pas les contredire !
Je trouve une rue qui monte. Comme d’hab, y a personne, c’est tout mort. Là, c’est même rendu plutôt glauque. Du genre où je me réjoui de ne pas être une femme seule. Parce que bon, déjà qu’en homme seul je suis pas à l’aise alors voilà…
Je finis par arriver au niveau de la cathédrale, et de son point de vue plutôt joli (mais couvert) sur la région. Non sans tiquer un peu sur une plaque à côté d’une statue :
Bon, ne pas oublier, après tout, que je suis à Béziers. Et qu’aux dernières nouvelles, le maire de Béziers n’était pas vraiment connu pour être de gauche… (la principale raison pour laquelle j’avais pas envie de m’arrêter dans cette ville). Mais bon, je note quand même que pour incarner l’âme française, il faut être pucelle et entendre des voix. Pourquoi pas !
Après m’être renseigné sur les illuminations de Noël, j’ai appris qu’il y avait trois choses à voir : les projections sur la Mairie (à partir de 17h30 et aux demi-heure ensuite), la fontaine musicale (place Jean Jaurès, mêmes horaires) et l’exposition de villages de Noël dans des bulles. Même lieu.
Je suis donc les panneaux qui me guident vers la mairie. Parce que bon, moi j’aime bien les projections en façade. Certes, je ne m’attends pas à trouver quelque chose à l’échelle des illuminations de Lyon, mais sans doute du genre des projections sur le parlement de Rennes en été.
Alors oui, bon, il fait encore jour, et on voit quasiment rien. Du coup, vous ne verrez pas les dessins des élèves des écoles primaires de Béziers projetés sur les façade de la mairie… Pas plus que vous entendrez l’horrible musique qui accompagne (j’ai sérieusement cru que c’était des chants de messe dans un premier temps !). Bon, je m’éviterai le détour pour aller voir la crèche de Noël de la mairie, et à la place, je retourne me balader un peu dans les rues. Je suis arrivé dans le centre-ville. Y a quand même de la vie un peu (on est quand même samedi soir, c’est rassurant !).
Après la patinoire -place de la mairie- je peux compléter ma check-list de Noël sur la grande place du centre : une fête foraine, et une grande roue. Il n’y a plus de marché de Noël, mais on ne peut pas leur en vouloir, nous sommes rendus le 4 janvier. Je note quand même que cette année, le truc qu’il fallait avoir dans sa ville pour Noël, c’était une patinoire. Nîmes, Montpellier, Aigue-Morte, Béziers et même (si si !) Morestel…
Je me dirige vers la fontaine musicale, non sans traverser une forêt de pauvres sapins qui ont été relocalisés place Jean Jaurès après avoir été saupoudrés de fausse neige artificiel. Les pauvres, ça doit leur faire bizarre… et la fontaine musicale, donc… bon, ok, je ne m’attendais pas à la performance du Bellagio, restons raisonnable. Il y aura donc des jets, qui montent plus ou moins haut, avec des projecteurs de couleur. En fait, ça aurait pu être sympa avec de la bonne musique… mais avoir « c’est la belle nuit de Noël » (si au moins ils avaient pris la version « Petit Pasqua Noël » de Chanson Plus Bifluorée) qui joue à fond sur des hauts parleurs de mauvaise qualité… suivi peu après par « libéré – délivré »… bref, je fuis ! En regardant les villages dans des bulles…
Ça fait un moment que je suis tombé d’accord avec moi même : je n’ai pas particulièrement envie de redescendre de nuit la rue que j’ai faite de jour et que j’aimais pas. Alors à la place, je prends le plan B : un bus, qui me rapprochera de mon objectif final, avant de finir à pied. J’avoue qu’avoir l’habitude de comprendre comment on prend le bus dans des villes étrangères, et le fait d’avoir réussi à me retrouver dans les chickens-bus au Guatemala a dû aider un peu aussi… mais c’est vrai qu’avoir quinze arrêts de bus à la gare routière, et aucune indication de où ton bus va partir, ça aide pas… mais j’ai compris, j’ai trouvé, et je suis rentré sain et sauf !
Bon, à la base, j’avais pas envie de visiter Béziers. J’avais de gros a priori vis à vis de cette ville. Donc forcément, ça n’allait pas jouer en sa faveur… mais y a pas à dire… ça vend vraiment pas du rêve, même en essayant d’être objectif !
Du coup, je prendrai la journée du lendemain pour me remettre de mes émotions. On est dimanche, j’ai pas envie de bouger, j’ai une poignée de porte à réparer, deux trois petits trucs à faire… du coup, je reste chez mon vigneron, à profiter du soleil (un peu) et à prendre ça tranquille.
Et le lundi, après avoir fait quelques achats pour le remercier (parce que oui, bon, quand même !) je reprends la route. Direction : Salles d’Aude !