« Mais qu’est-ce que je fous ici ? »
Je viens de sortir de l’avion. Choc thermique. Dehors, il fait lourd. Chaud et humide. J’ai gagné au moins dix degrés depuis Mexico. Sans doute plus. Perdu 2300 mètres d’altitude aussi. Et le taux d’humidité ambiant doit joyeusement flirté avec les 150%. Devant moi, un petit escalier descend jusqu’au tarmac. De là, on peut marcher jusqu’au « terminal » de l’aéroport de Chetumal. Pendant un bref instant, je me demande s’ils ne vont pas nous faire passer par la soute pour attraper nos bagages. Après tout, c’est la première fois que je voyais un avion faire demi-tour sur la piste d’atterrissage ! Pas de voie d’approche, pas de pistes annexes. Juste la piste d’atterrissage. Alors forcément, comme il allait trop vite et qu’il a dépassé le terminal, il a fait demi-tour. Il faut dire qu’avec seulement trois avions quotidiens reliant Mexico et Chetumal (et à mon avis, aucun autre vol arrivant ici), les risques d’une collision étaient plutôt faibles.
Me voilà donc à Chetumal. Au sud de la péninsule du Yucan, juste à la frontière avec le Bélize, sur la côte océanique. Et oui, je me demande quand même un peu ce que je fous ici.
Le retour à Mexico, la veille, a été des plus étranges. Nous avons retrouvé le van de Laurie. Différent. Très différent. Premier constat : les essuie glaces ont été relevés. Deuxième constat : il a été lavé. Entièrement lavé. Complètement. Totalement. Même les moustiques sur la plaque d’immatriculation ont été grattés. Troisième constat : la strap de sécurité que Laurie a rajouté sur le capot n’est plus là. Quatrième constat : deux autocollants sur les quatre à l’arrière ont disparu.
On se regarde, horriblement perplexes, un peu inquiets. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Je construis un premier scénario : des gens ont vu la strap sur le capot, se sont dit que c’était la seule sécurité, et qu’il suffisait de l’enlever pour ouvrir le capot et se servir en pièces détachées. Mais pourquoi nettoyer le van ? Explication plausible : pour faire couverture. Regardez : c’est notre van, on le nettoie, on le bricole, on en prend soin. Et donc c’est normal qu’on regarde dans le capot. La courroie n’étant qu’une courroie de sécurité, ils sont repartis dépités, sans réussir à se servir en pièces, le capot restant fermé. L’explication pourrait tenir la route… si le van de Laurie n’était pas le seul à paraître particulièrement propre, et à avoir les essuies-glaces relevés. Et puis quand même… gratter les moustiques de la plaque d’immatriculation, ils poussent un peu la couverture (objet qu’on a plutôt tendance à tirer vers soit d’habitude). Autre constatation : la strap n’a pas été enlevée. Elle semble avoir été démontée ou coupée. Il n’en reste qu’un crochet.
Quelque soit la façon dont on présente les choses, les théories ne tiennent pas la route. Mais une conclusion s’impose : le van a sans doute été repéré, il vaut donc mieux le déplacer pour montrer que ses propriétaires ne sont pas loin. On monte à bord, quand une petite grand mère s’approche de la fenêtre de Laurie, et commence à nous parler. Je fais de gros efforts, je me concentre. J’arrive à comprendre une partie de ce qu’elle dit. C’est elle qui a lavé le van. Ah. Bon. D’accord. Mais elle parle d’autres choses, et là, on ne comprend pas. On a envie de comprendre pour la strap et pour les autocollants. On veut savoir ce qu’il s’est passé. Laurie va dans le bar d’à côté, et arrive à nous trouver un interprète. C’est bien la petite dame qui a lavé le van. D’ailleurs, si on pouvait lui donner un peu d’argent pour la remercier en échange, on serait bien gentil. Bon, un mystère de levé. Par contre, pour la strap, elle dit que ce n’est pas elle. Pour les autocollants ? Laurie finit par comprendre qu’elle a essayé de les enlever, mais n’a réussi à en enlever que deux. Forcément, elle lavait le van, donc elle a tout voulu enlever. Dommage pour les autocollants que Laurie aimait bien.
Une partie du mystère est résolue. Mais quid de la strap ? Des voleurs ? Oui, mais en même temps, la strap n’est plus là. Des voleurs l’auraient coupée, et laissée sur place. On discute encore un peu. On soupçonne très fortement la grand mère. Son comportement est étrange : non seulement elle n’a pas tenté de négocier plus que les 20 pesos que je lui ai donnés, mais en plus, elle est partie alors que tous les propriétaires de voitures lavées n’étaient pas encore revenus. Notre travail d’enquête arrive à la conclusion que d’une façon ou d’une autre, pour une raison ou pour une autre, la petite grand mère a enlevé la strap, et n’a pas été capable de la remettre, ayant démonté un crochet plus ou moins par erreur. De peur de se faire taper sur les doigts, de peur qu’on demande le remboursement de l’objet, elle a fait disparaître les preuves. Tout cela parait beaucoup plus rationnel qu’une double coïncidence qui laisse encore planer des incertitudes et des incompréhensions… conclusion : nous n’avons pas à déplacer le van.
Quelques minutes plus tard, Conrad passe dans la rue. On échange quelques mots avec lui. Il nous dit que Yoli s’est rappelée qu’il y aurait un marché de rue le lendemain, et qu’il prendrait toute la rue. Conclusion : on va devoir déplacer le van.
Un saut à l’épicerie plus tard, deux découvertes brassicoles avalées (une magnifique red ale et une porter assez intéressante, toutes deux de microbrasseries mexicaines), le van est à nouveau garé, à une nouvelle place. Et on s’endort.
Je serai réveillé vers 3h du matin, pas de grands rires. J’ai l’impression que les gens rigolent en parlant du van, mais je ne suis pas sûr. J’ai cette impression parce que les rires restent localisés. Ils ne s’éloignent pas. Rien de méchant. Juste des moqueries gentilles, que je ne comprends pas, mais qui durent un moment. Finalement, les rires s’éloignent. Un petit quart d’heure plus tard, alors que je peine à retrouver le sommeil, je vois des gyrophares bleus s’approcher. Ce ne sont pas les premiers que je vois : on n’est pas loin d’un commissariat. Mais ce sont les premiers qui s’arrêtent, et c’est la première fois que je vois des policiers tourner autour du van. Je ne bouge pas. Je n’ai pas peur, mais je suis inquiet. Là, ça va être très dur à expliquer. Mon espagnol va souffrir. Heureusement, j’ai réussi à placer « mantequilla » la veille en achetant un épis de maïs.
Je me prépare. Je rassemble mon vocabulaire, tout en restant allongé, immobile. Le faisceau lumineux d’une lampe torche traverse mes paupières fermées. Si la buée sur les vitres ne suffisaient pas, s’ils avaient encore un doute, là ils m’ont très clairement vus. J’attends le « toc toc toc » que j’ai entendu si souvent sur la carrosserie du Pourquoi Pas ?, en me demandant comment il allait sonner avec l’accent espagnol.
Rien. J’attends encore un peu, j’ouvre discrètement les yeux. Les deux policiers s’éloignent. Montent dans la voiture. La voiture s’en va. Toujours avec les gyrophares. Laurie dort toujours, paisiblement. Moi, mon cerveau tourne à cent à l’heure. Il se pose cent mille questions, ne trouve aucune réponse. C’est la thématique de la soirée et de la nuit…
J’attends la prochaine voiture de police. Celle avec une personne parlant anglais (forcément, la plaque nous trahi comme touristes). J’attends un long moment. Mais la rue est absolument déserte. Complètement. Trop à mon goût. Il est trois heures du matin, ou quatre heures, je ne sais plus trop. Et pendant un moment, je me demande si nous avons eu une bonne idée de dormir ici. Trop tranquille, ça n’est pas forcément si bien que ça…
Dix minutes plus tard, une voiture de police passe. Sans s’arrêter. Cinq minutes après, c’est un autobus. Encore dix minutes, et une autre voiture de police. Puis deux piétons qui discutent. Nous n’avons pas eu le moindre problème la nuit dernière, l’endroit est sécuritaire -confirmés par plusieurs personnes. La police passe régulièrement. Je me dis que si ce que l’on faisait été dangereux, les deux policiers nous auraient réveillé pour nous insulter et nous traiter d’abrutis de touristes. La même chose serait arrivée à Portland, à Washington ou à Lyon, j’en aurai rigolé. À mon avis, le quartier où nous sommes est aussi sécuritaire que d’autres aux États Unis ou en France. Je me rendors, finalement à nouveau serein. La réflexion a été longue, mais la conclusion est finalement arrivée. Non, nous n’avons pas fait de connerie, nous n’avons pas pris le moindre risque. Et oui, en voyage, j’analyse énormément mon comportement, et les risques potentiels que je prends, y compris rétrospectivement. Je ne suis plus dans ma zone de confort, je ne suis plus dans un univers connu. Et oui, je suis prudent. J’essaie d’éviter les erreurs le plus possible.
Mon réveil me tire du sommeil beaucoup trop tôt à mon goût. J’ai un avion à prendre. Étrange comme pensée. J’ai un avion à prendre… je récupère toutes mes affaires, je dis au revoir à Laurie encore un peu endormie. Je lui raconte quand même la visite de la police. Puis je jette mon sac sur mes épaules, fait un petit tour rapide au marché -marché de rue bien ordinaire et donc des plus agréables- et embarque dans le métro.
Je erre un peu dans l’aéroport pour trouver où m’enregistrer et déposer mon sac. La flûte, toujours passée en bandoulière, ne pose aucun problème. Par contre, la tente avec ses deux points d’attache sur le côté du sac, inquiète. L’hôtesse va chercher un superviseur qui parle anglais. J’avoue ne pas avoir le courage de dégainer mon espagnol sur ce coup là, même si je m’amuse comme un fou de découvrir à quel point on pratique une langue dans des centaines de contextes différents… le superviseur m’explique qu’il y a un risque que la tente s’accroche quelque part, et que mon bagage tombe d’un chariot. Ou que je perde la tente parce que les straps cassent. Ou je ne sais quoi. Il veut que je mette la tente dans le sac. Je sais bien qu’il n’y a pas la place. J’insiste. Cette tente à voyager comme ça jusqu’en Australie, elle a traversé plusieurs fois l’Atlantique, elle devrait être capable de voyager au Mexique de la même façon. Le superviseur demande alors que je signe une décharge de responsabilité. Go, si tu veux, pas de soucis. En la signant, je me dis qu’en fait, ils ont peut être peur des gens qui volent ce qui dépassent sur les sacs. Après tout, en 5 secondes, la tente est volée. Je viens peut être de signer l’autorisation de voler ma tente… on verra bien !
Je passe la sécurité sans problème. « Qu’est-ce que c’est ça ? » « C’est une flûte » « Ah, d’accord ». Premier douanier, réussi. « Et ça, c’est quoi ? » « Un didgeridoo ! » « Ah ! Un didgeridoo ! C’est bien, mon prof d’anglais est australien. Il m’a parlé des didgeridoos ». Sans doute pas beaucoup, sinon il aurait posé des tas de questions sur la forme spiralée de l’objet. Mais passons. « Et votre chemise, vous l’avez achetée où ? Elle est très jolie » « Merci, elle vient de France ». « Et vos pantalons, c’est tibétain, c’est ça ? » « Je crois bien que oui, mais je les ai achetés en France aussi » « D’accord, merci. Et bien bonne journée à vous ».
Je vais avoir de plus en plus de mal à croire que les mexicains sont tous des vilains méchants quand je me retrouve à parler chiffons avec le gars sensé assurer la sécurité d’un aéroport (enfin quelqu’un pour assumer le rôle que Boulette a délaissé !) !
Je repars tout souriant. Un peu après, je suis dans l’avion. Le survol rapide de Mexico me plait bien, mais on passe rapidement au dessus des nuages. On n’en ressortira qu’à l’arrivée, alors que l’on survole une jungle sans fin. Des arbres, dans toutes les directions. Parfois, une route toute droite qui traverse. Route de terre, vue la couleur. Je suis en train d’aller où, moi, déjà ?
Finalement, l’avion se pose. Je récupère mes affaires. La porte s’ouvre. La question est belle et bien là. « Mais qu’est-ce que je fous ici ! ». Pourquoi est-ce que je me suis téléporté au bout du monde ? Pour venir apprendre l’espagnol. Pour faire du volontariat. Pourquoi ici plutôt qu’ailleurs ? Parce que le vent soufflait dans cette direction, et que je me suis laissé porté. Et que je sais que je vais me plaire ici, maintenant que j’y suis.
Je rentre dans le « hall » de l’aéroport, puis en ressort. Il fait 20 mètres de long, 5 de larges. Deux portes. Une porte arrivée, une porte départ. C’est tout mignon. Dehors, une dame me demande si je veux un taxi. Je la remercie et lui dit que non. je regarde le parking devant moi. Une vingtaine de voitures. Et c’est tout. Pas d’arrêt de bus. Rien. Je reste perplexe un moment. Non, je n’ai même pas pris la peine de me renseigner sur comment quitter l’aéroport. Les problèmes se résolvent quand ils se présentent. Anticiper ? Pas pour quitter un aéroport, voyons !
Je retourne voir la madame. « J’imagine qu’il n’y a pas de bus ? » « Non, pas de bus ». Bon, je vais prendre le taxi alors…
Les tarifs sont fixes. 200 pesos pour le centre ville. Ça fait un peu mal au coeur de payer 200 pesos pour 15 minutes de taxi quand on a payé 900 pesos pour deux heures d’avion, mais bon… un peu après, et quelques recherches de rue plus tard, le taxi me pose devant chez Maya. Enfin il semblerait que ce soit là. Il y a un gars dans un hamac. Il confirme que c’est là. Maya dort, mais je suis le couchsurfer ? Oui, tout à fait. Bon, alors je peux rentrer. Je remercie le chauffeur, entre dans la maison, pose mon sac. Mission accomplie. Facile !
Et en même temps, j’ai compris un truc sur les adresses mexicaines : bien souvent, il va y avoir un nom de rue, puis une indication de type « retorno 3 ». En fait, de la rue principale parte des rues perpendiculaires. Les « retorno ». Genre de boucles qui s’éloignent et reviennent sur la rue principale. Il faut donc d’abord trouver le bon retorno avant de trouver le bon numéro, et c’est un peu chaotique. Mais je trouve cette information fort utile. Elle m’explique aussi pourquoi les gens étaient un peu perplexes et contradictoires quand j’essayais de trouver l’adresse de Yoli et Conrad… certes, je n’étais pas dans le bon quartier, ce qui n’aidait pas non plus.
Maya apparaît quelques minutes plus tard, et me souhaite la bienvenue. Elle m’explique que la maison est un peu remplie, vu qu’en plus de Juan Carlos, son copain, il y a deux autres couchsurfers qui n’avaient pas vraiment confirmé leur venue, mais qui sont arrivés quand même. Un chilien, et un français, qui voyagent tous les deux ensemble, à moto. Je fais la connaissance de tout le monde en buvant un grand verre d’eau, et en espérant perdre quelques degrés. Une dizaine, ça serait pas mal. Mais le verre d’eau ne suffit pas.
On reste un moment à discuter, avant de partir marcher sur le « boulevard ». Promenade assez sympa sur le bord de la mer des Caraïbes. Wait? Comme celle des pirates ? Oui, comme celles des pirates. J’aime bien découvrir soudainement que je suis dans un endroit sans m’en rendre compte. Donc oui, voilà, je suis dans les caraïbes. D’après Maya, d’ailleurs, Chetumal est la seule vraie ville mexicaine des Caraïbes. Les autres grandes villes de cette côte (Cancun et Playa del Carmen) sont des villes de Gringos. Oui, le terme est utilisé parfois. Et il est très clairement péjoratif. Les rapports Mexique-USA ne sont pas simples à mon avis. Et plutôt (beaucoup) tendu.
Soudain, Maya me dit « regarde » ! Je tourne la tête. Là bas, au bout de l’océan, une pleine lune rouge de toute beauté vient d’apparaître. Elle surgit des flots, gigantesque. Oui, en plus c’est une megalune. Je me fais plaisir avec mon appareil photo. La lune n’est jamais facile à photographier (surtout au 70-200 sans trépied !) . Mais pour le coup, je veux faire un effort, parce qu’elle en vaut vraiment la peine ! Et puis j’ai parlé à la lune la veille… j’y vois un signe supplémentaire.
On continue à marcher encore un moment. Chetumal est assez tranquille. L’atmosphère de la ville me plait bien. Ce n’est pas San Luis Potosi avec plein de rues piétonnes partout. Ce n’est pas San Miguel Allende avec ses façades magnifiques et ses touristes. C’est une ville assez ordinaire et vivante. Une ville agréable où j’espère revenir passer quelques jours de plus.
Et puis on rentre préparer à manger, en s’arrêtant en chemin pour faire les courses dans un… oui, vous avez deviné. Un Walmart ! Mais qu’est-ce qu’ils ont tous !
La soirée passe tranquille, avec quelques très bonnes bières, et une petite discussion sympa, majoritairement en espagnol. Je me retrouve projeté des années en arrière. Pour mon deuxième vrai voyage. Alors que je partais en Irlande, en baragouinant anglais comme je pouvais. J’avais passé une soirée à écouter des discussions super intéressantes sur l’histoire de l’Irlande, les exactions anglaises, et tout le reste. J’avais presque tout compris, mais mon anglais n’était pas assez rapide pour me permettre de réagir et participer. Même combat ce soir. Je comprends, je suis la discussion, mais je ne peux pas réagir. Pas assez rapide. Pas assez de vocabulaire. Temps de décalage. Je fais quand même quelques interventions, en anglais, mais je passe surtout du temps à écouter.
Le lendemain, tout le monde part de son côté. Les deux motards continuent leur chemin séparément. Moi, je vais chercher mon ticket de bus, pour un peu plus tard dans la journée. Je fais un dernier petit saut en ville, conduit par Juan dans sa magnifique coccinelle. Et oui, les coccinelles sont très populaires au Mexique. Nous en avons vu beaucoup, un peu partout. Des vieux modèles, toute première édition. Qui font un boucan d’enfer, et qui sont absolument magnifiques, encore plus de l’intérieur. Encore moins d’option que « ma » Twingo ! Je m’imagine, pendant quelques temps, en acheter une, et traverser l’Amérique Centrale en coccinelle. Mais je ne suis pas sûr que la voiture survivrait. Ni mon dos. Ni mes oreilles. Ni ma patience. Ni mon stress. Dommage. Je l’aurai repeinte en rose. Avec des étoiles vertes. Oui, Belmondo est mon modèle (il faut bien que mon éducation ai quelques lacunes ) !
Je finis par dire au revoir à Juan et Maya. Je regrette. Ils sont absolument adorables tous les deux. J’espère avoir la possibilité de repasser à Chetumal, pour passer un peu plus de temps avec eux. Mon espagnol m’a un peu mis à l’écart, et je n’ai pas échangé autant que j’aurai aimer. Mais j’ai vraiment beaucoup apprécié mes quelques échanges. Les deux sont très accueillants, sympathiques, toujours souriants… et comme en plus la ville m’inspire et me donne envie de revenir… et comme en plus elle sera à nouveau sur mon chemin… j’espère réussir à les revoir !
Moi je me dirige vers mon terminus d’autobus. En marchant, tranquille, mon sac à dos sur le dos. Et en me demandant si ce n,est quand même pas la meilleure façon de voyager ? Marcher, avec un sac à dos sur le dos, tranquillement, dans les rues (écrasé par la chaleur, mais ça enlève au romantisme de la chose quand on le dit). Un peu après, j’embarque dans un minibus. Nous sommes une dizaine. Départ pour Mahahual. Le bus s’arrête régulièrement, un peu partout, pour prendre ou déposer des passagers. Au principal arrêt, à mi chemin, des vendeurs montent dans le bus, pour vendre boisson et nourriture. Mais j’ai mangé avant de partir. Je n’ai besoin de rien.
J’essaie de regarder le paysage, par la fenêtre. Mais j’ai parfois du mal. Les histoires sont nombreuses dans les autobus. Les mots aussi. Après tout, c’est en traversant les grandes plaines américaines en autobus que j’ai écris les premiers passages de « La fille de l’Alaska »… Ici aussi, ils me suivent, me volent autour. M’appellent. Je dois m’en occuper ! Je me retrouve à écrire un texte qui a aussi bien sa place dans ce blog que dans ce quatrième livre, toujours en gestation. Comme chaque fois, les lecteurs du blog sont privilégiés, avec des aperçus, des clins d’oeil, des infos sur le prochain livre… chanceux !
« Il y a quelque chose de doublement magique à apprendre une langue. D’abord, la possibilité de communiquer avec de plus en plus de gens, de plus en plus facilement. Au début, la langue est floue, elle ne veut rien dire. Puis on commence à distinguer certains mots, certaines intonations. Comme quand on construit un puzzle. Au début, les pièces sont toutes éparpillées, dans tous les sens. On n’a aucune idée de l’image globale. Et puis deux pièces se connectent. Et deux autres. Et petit à petit, on commence à deviner l’ensemble. À saisir la totalité du sujet.
Notre cerveau va attraper de plus en plus de mots. De plus en plus de phrases. De spectateur dans une conversation, on devient acteur. La première magie est là : tout ces mots qui, aujourd’hui, ne veulent rien dire, auront un sens demain. Je l’ai connu avec l’anglais, je le vis -et cette fois je le ressens et le comprends- avec l’espagnol.
La deuxième magie, c’est la façon dont une langue étrangère nous permet de regarder différemment notre langue. J’avais déjà eu une longue réflexion sur la numérotation. La base décimal de certains systèmes, la base 12 dans d’autres (il me semble avoir publié un texte plus détaillé sur la question ; il faudrait que je le retrouve !). La particularité des 17, 18 et 19… voilà que l’espagnol me fait découvrir le suffixe “erie” en français. En Espagnol, ce suffixe que l’on retrouve un peu partout, semble vouloir dire quelque chose comme “là où se vend quelque chose”. Floreteria, carneria, etc…et voilà que je réalise qu’en français, nous avons cafétéria, bijouterie, charcuterie, boulangerie, imprimerie… voilà que l’espagnol me fait découvrir le suffixe “erie”, alors que la jungle défile à la fenêtre du bus ».
Oui, il y a beaucoup de mots dans les bus. Et j’ai du mal à arrêter de m’écrire ! Après deux bonnes heures de route, j’arrive finalement à Mahahual.
Je rejoins les gens que je dois rejoindre. Je pose mes affaires. Je m’installe. Ça y’est. Là, je ne bouge plus. Pour quelques jours. Je me pose. Relaxe. Je suis nourri, logé. Je ne dépense plus d’argent. Je ne fais plus rien. Je suis sur le bord de la plage. La vie est belle !
Je savais bien que ça te manquerait de jaser de couleur de la culotte… Troue pas les tiennes, et bonne transpiration au soleil !
Bonjour,
comment voyager sans bouger de chez soit ? En lisant les blogs de ceux qui bougent…………… avec Boulette et toi, je m’en mets pleins les yeux, superbes photos, les pyramides font rêver !
Mais si je comprends bien, Laurie et toi voyagez séparément maintenant ?
Bonne route et continue à nous raconter tes rencontres
Pascale
Bonjour Pascale, et bienvenue par ici ! Je suis heureux de savoir que je ne suis pas seul a voyager :) il est toujours agréable de pouvoir partager un peu de son voyage ! Les puramids font rever en effet et j’espère en voir d’autres prochainement. Normalement, je suis dans la bonne région pour ca !
Sinon, nos routes à Laurie et moi se sont en effet séparées à Mexico. On se recroisera peut être dans la région vu que je compte rester un moment par ici et qu’elle ne doit pas passer loin. J’avais besoin de ralentir un peu le rythme de mon côté. Et pour ralentir, j’ai ralenti! Plus de détails bientôt, sur fond de plage, palmiers et mer des Caraïbes !