Je crois que j’avais besoin de faire une pause. Après tout, je n’ai pas vraiment pris de vraie journée « off » depuis… depuis quand exactement ? Il y a bien eu cette journée un peu tranquille dans les Badlands, mais j’avançais quand même. Il y a bien eu cette journée un peu tranquille quand je suis arrivé à Minneapolis, mais j’ai quand même bougé pas mal… il y a eu cette journée détente, avec Louve, qui m’a fait le plus grand bien… c’est peut être à ce moment là que ça remonte… j’ai un peu l’impression de toujours courir en avant. De toujours aller vite. Ne vous méprenez pas : j’adore ça. Mes journées sont plus que remplies. Elles commencent avec le lever du soleil, se termine après le coucher, et je ne prends pas beaucoup de temps pour manger (quand je mange)… vivre à 100 km/h m’a toujours donné énormément d’énergie. Mon propre dynamisme me dynamise. Ça a un côté pratique. Mais il est vrai que, de temps en temps, j’aime pouvoir ralentir un peu. Prendre plus de temps dans les Badlands pour attendre que le soleil revienne. Passer une journée à rien faire au pied de la Devils Tower. Avoir une journée pour chasser des geysers. Le problème, c’est que quand on conduit une voiture de location, chaque journée à un prix. Je pourrais m’arranger avec ça, je pense. Mais quand on a un billet de retour, le nombre de journées, lui, devient limité. Et ça, je ne peux rien y faire. La liberté que j’avais avec Minma en Australie ou avec le Pourquoi Pas ? en Oregon me manque. J’espère la retrouver un jour. « Avoir le temps », c’est quelque chose qui n’a pas de prix. Qui n’a aucune valeur. Je n’arrive pas à me sortir de la tête que je dois aller à Ashland (un week-end), que je dois retourner à Eugène (un samedi), que j’aimerais rester une semaine en autarcie aux sources chaudes d’Umquat, que revoir Crater Lake me plairait, qu’il me faut au moins quatre ou cinq jours à Portland, et que j’ai envie d’avoir du temps pour moi à Vancouver, que le retour en train va me prendre 4 ou 5 jours, peut être un peu plus si je voyage avec Amtrak et que je fais une pause à Chicago, et que j’aimerais bien avoir encore quelques jours à Montréal.. En additionnant tout ça, j’ai cette impression permanente que le temps va me manquer, et que je ne vais pas pouvoir faire tout ce dont j’ai envie… qu’il va me falloir faire des impasses. Qu’il va me falloir planifier plutôt que suivre le vent… enfin, on verra bien !
La météo m’a encouragé dans mon ralentissement. La beauté des Tétons (viens-je vraiment d’écrire cela ?) tiens dans la chaîne de montagne qui donne son nom au parc. Le Parc National de Grand Téton se compose de trois parties. Une grande plaine à environ 2000 mètres, avec quelques basses collines, un immense lac et deux autres un peu plus petits, et sur l’autre rive, une série de pics magnifiques entre 3000 et 4000 mètres. Oui, c’est éblouissant. En fait, le Parc National de Grand Téton est un paradis pour randonneur. Je m’imagine très bien me balader au milieu de ces hautes montagnes pendant plusieurs jours. Mais aujourd’hui, je n’ai pas envie de marcher. Pas envie de marcher seul, alors que là encore les affiches « attention aux ours » sont partout. Je n’arrive pas à savoir si c’est de la paranoïa ou pas. Mais il est tant et tant recommandé de ne pas partir seul, d’être en groupe de trois ou quatre randonneurs, et de toujours avoir son spray au poivre sur soit, que je n’ai pas envie de partir tout seul. Bon, je le reconnais, le ciel assez nuageux ne m’y encourage pas non plus. Peut-être que s’il y avait eu un grand ciel bleu, j’aurais trouvé la motivation nécessaire pour une belle randonnée. J’ai une liste… j’en ai repéré plusieurs qui semblent très sympas. Mais je me dis que je pourrais revenir ici un jour, peut être, avec trois autres personnes. Comme ça, on sera assez nombreux pour faire peur aux ours, et on pourra même se cotiser pour acheter un spray au poivre !
Mais aujourd’hui, le ciel est gris, il pleuvote régulièrement, alors je prends ça tranquille. En fait, l’idée de prendre ça tranquille m’est apparu quand j’ai vu que le minimarché du coin avait un mini rayon librairie, incluant un Harlan Coben que je n’ai pas encore lu (ils sont de moins en moins nombreux). N’ayant plus de lecture, j’ai craqué, et je l’ai acheté. Et je me suis posé un moment dans la voiture à bouquiner, avant d’aller passer un peu de temps sur mon ordinateur, dans un fauteuil confortable de la salle commune des gens qui louent des cabines. Non, moi je dors toujours dans ma voiture. J’ai même eu trop chaud, cette nuit, ça n’était pas prévu !
Et puis finalement, je me suis motivé à décoller vers 13h30. Avancer un peu, faire une jolie photo, m’arrêter, lire un paragraphe. Avancer un peu, faire une jolie photo, lire un paragraphe. Et ça m’a amené plus loin que je le pensais, vu que j’ai traversé tout le parc, à mon petit rythme tranquille. Profitant parfois de très beaux jeux de lumières, attrapant même un arc-en-ciel à un moment. Et sans m’en rendre compte, je suis sorti du parc.
La journée était presque finie. J’ai roulé jusqu’à Jackson, la petite ville d’entrée du parc, quand on arrive par le sud. Et j’ai remis un peu d’essence dans la voiture. J’ai quand même roulé près de 900 kilomètres avec un seul plein, c’est confortable comme autonomie !
Je me suis baladé un peu dans Jackson, ville qui n’existe a priori que par le tourisme. Assez agréable malgré tout. Et puis j’ai hésité sur la démarche à suivre. Avancer encore un peu sur la route, et m’arrêter au prochain camping sur la route de Idaho Falls, ou bien revenir d’une quinzaine de kilomètres en arrière, pour m’arrêter au dernier camping du parc.
C’est finalement la deuxième option qui l’a emporté. Le jour déclinent et les nombreux nuages rendent la lumière particulièrement inintéressante, alors que la suite de la route s’annonce magnifique (ascension de col, vallées, montagnes…). Et je trouvais ça dommage de ne pas pouvoir en profiter pleinement. Et puis ils annoncent que le ciel devrait se dégager d’ici à demain. Donc peut-être pourrais-je voir les Tétons avec un grand ciel bleu juste avant de partir ! J’en ai bien envie, en tout cas !
Je suis donc revenu au camping, où je me suis posé tranquillement dans la voiture avec mon livre. Je l’ai bien dévoré, comme d’habitude. Mais je m’en garde encore un peu.
Le programme pour demain ? Ne pas décoller trop tard. Essayer de rendre la voiture vers 13h ou 14h, et continuer dans la foulée en stop jusqu’à Crater of the Moon, qui est à une heure et demi de route de Idaho Falls. On verra bien ce que ça donne. Ce qui est sûr, c’est que cette nuit est ma dernière dans la voiture. Et que demain, je me remets au stop. Et j’ai un peu hâte ! Hâte, aussi, de retrouver Joe et Cordie. Mais ça, j’en reparlerais plus tard !