Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionFebruary 13th, 2022
  • Il m’arrive parfois de choisir des livres en me basant sur leur couverture. Et je l’assume. Parfois, je choisis les lives en fonction de leur titre. Comment passer à côté de « Étrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage » (L.C. Tyler) et surtout de « Une autobiographie transsexuelle (avec des vampires) » (Lizzie Crowdagger). Dans les deux cas, sans aucun regret. J’en recommande fortement la lecture !

    Et du coup, je fais parfois la même chose avec mes destinations. Avouez que la Zzyzx Road, ça fait envie, non ? Et forcément, quand je vois une ville qui s’appelle « Sos del Rey Catolico » (et oui, je me doute qu’il faut lire Sauce et non pas S.O.S) je pense à un roi catholique qui appelle à l’aide, mais aussi à Starmania et à SOS d’un terrien en détresse. Allez savoir pourquoi. Pourquoi je ris. Pourquoi je pleurs. Alors j’ai envie d’aller voir. Surtout quand je vois les jolies lignes vertes le long des routes du coin sur ma carte.

    J’avais beaucoup hésité sur l’ordre pour faire les choses, et les itinéraires à faire. Après tout, à SOS, je ne suis qu’à 11 kilomètres de Sanguesa… mais j’ai finalement pris l’option de la boucle vers le sud puis de remonter. C’est ce qui me semblait me laisser le plus d’opportunités de beaux paysages ; l’option qui me permettait, semble-t-il, de profiter au maximum des Bardenas. Et alors que je laissais derrière moi Sancho Arbaca, et que la brume se levait lentement, j’en arrivais à la conclusion que j’avais fait le bon choix.

    Ça doit faire parti de ma nature optimiste… j’ai souvent du mal à prendre des décisions, mais j’ai tout le temps l’impression d’avoir fait le bon choix quand je regarde en arrière. Ça parait beaucoup dans mes choix de destination ou d’itinéraire. J’ai toujours ce sentiment d’avoir fait la boucle dans le bon sens, d’avoir vues les choses dans le bon ordre. Et, je dois bien le reconnaître, c’est très plaisant !

    Le Chamion est posé à un petit 55 km/h tout tranquille. La route est droite. Je dois bien reconnaître que ça fait du bien une conduite un peu reposante pour une fois. Ça m’était pas arrivé depuis un bon moment à vrai dire ! Une route goudronnée, droite, sans lacet de montagne ? Je prends !

    De nouveaux quelques cigognes, aussi, dans le coin. Ça ne fait pas partie des animaux que j’ai l’habitude de voir. Mais c’est plutôt sympa.

    Sadaba

    La ville de Sadaba (daba, sadabada, da da da, sadaba da ba) se profile à l’horizon. Dans ma tête, j’étais plutôt dans l’idée de passer sans m’arrêter, mais j’ai vu le château, et sa tête bizarre toute carrée. Et je me suis rappelé que je voulais acheter du pain. Deux bonnes raisons pour s’arrêter, et faire un petit tour rapide dans le village. Des rues étroites, des vieilles pierres, et des portes magnifiques. Il y a beaucoup de portes magnifiques en Espagne je trouve, et je me surprends assez souvent à faire des photos de portes (le genre de trucs que plus jamais j’oserais faire à Monaco !)

    Et puis il y a donc ce château. Là aussi on a l’impression que c’est un dessin d’enfant. Sauf que lui, il aura sans doute un moins bon score dans la catégorie « imagination ».

    Et j’ai trouvé une boulangerie ! Mon gorgonzola est heureux dans son frigo. J’ai pu réviser mon espagnol avec la boulangère, qui a absolument tenu à me parler de la météo ! J’ai donc repris la route, satisfait. Vers le nord. Après 12 kilomètres, à Castiliscar, la route devient belle (d’après la carte et son liseré vert). Je recommence à monter un peu dans la montagne, alors que j’attaque Puerto de Sos (le col de Sos donc). Et arrivé au sommet, mon objectif apparaît devant moi. Je savais que j’avais raison de me laisser inspirer par ce nom !

    Sos del Rey Católico

    Et je retrouve aussi mes montagnes. Les autres. Mes premières. Parce que oui, la ligne de montagnes là en face, c’est là où se trouve la Foz de Lumbier, et le Monastère de Leyre. Là où se trouve les balades que je n’ai pu faire à cause du vent.

    J’attaque la descente sur le village. La vue est superbe. Je gare le Chamion, à côté du complexe sportif. Parking aménagé pour les campings car, bien au calme. Je crois que ça reste un des trucs que j’apprécie aussi beaucoup à voyager en Chamion en Espagne. La facilité de trouver des endroits où passer la nuit.

    Un autre camping car est là ; les gens viennent me parler. Des hollandais. Ils me posent pas mal de questions, mais j’avoue que je suis fatigué et que j’ai pas vraiment envie de socialiser. Je finis par réussir à mettre fin aux échanges. J’installe le Chamion, et je pars visiter Sos.

    Ville ancienne, et plutôt belle. Une fois de plus, plein de rues tortueuses dans tous les sens. Je me perds, me déperds, me retrouve, me détrouve… slalomant au hasard des intersections.

    Ça fait un moment que j’ai cette même impression. Que je me fais cette même réflexion. Ville après ville. Village après village. Si la plupart sont jolis, ils ne me parlent pas. Ils ne vibrent pas. Ils ne vivent pas. Je trouve qu’il leur manque quelque chose. Quand je pense à Horta de San Joan, Valderrobres, même Bot ou Beceite ou encore Tortosa… il y avait de la vie. De l’animation. Des gens dans les rues. C’était aussi en février que je me baladais dans les villages de la Terra Alta. Et où chaque village avait sa fête, son animation, son spectacle, son carnaval. Alors oui, c’était il y a deux ans. Et le covid est passé par là, bien sûr. Je ne sais pas si Sos était plus vivant ou pas il y a deux. Mais j’ai quand même l’impression qu’il n’y a pas que ça. Que les villages, dans le coin, sont simplement moins vivants… d’un côté, j’ai envie de redescendre en Terra Alta pour me rassurer. Pour voir que les gens là-bas sont toujours sympathiques, dynamiques, joyeux. D’un autre, j’ai peur de ne pas reconnaître les villages festifs dont je me souviens. Peur de les avoir peut-être un peu trop idéaliser aussi ? J’ai eu mal de voir Montréal aussi calme et tranquille en septembre l’année dernière. Alors je crois que je vais éviter la Terra Alta. De toutes façons, c’est pas sur ma route. Je crois…

    Je suis arrivé sur la place de la mairie ; cette petite place, avec ses arcades autour. Hop, un autre souvenir de Horta… un restaurant propose de la Paella. J’ai presque envie de me laisser tenter. Là tout de suite, je n’ai pas faim. Mais quand même… enfin, on verra. Je retourne me balader.

    [sur la première photo de la dernière ligne, à gauche du trou dans l’arche, on devine un trait gravé dans la pierre. C’est la « vara aragonesa ». La mesure officielle, utilisée pour… mesurer dans la région, jusqu’au 19e siècle ; oui, comme les mesures dans la pierre sous les halles du marché de Crémieu] 

    Je finis mon exploration de la ville, et m’en retourne au Chamion, pour ma traditionnelle soirée tranquille à la maison. Tranquille pour moi en tout cas. Le gorgonzola, lui, n’y survivra pas.

    On dort bien sur ce parking. C’est toujours agréable. Aujourd’hui, c’est vendredi. C’est décidé, je ne fais rien. Enfin rien, c’est vite dit. J’ai pas mal de choses à faire, mais qui implique que je reste à la maison (ne le dîtes pas à mes parents pour pas les traumatiser, mais il parait même que je travaille un peu !). Ça fait du bien de ne pas sortir. De juste rester posé. Regarder un peu la vue par la fenêtre, travailler, faire une tarte à l’oignon, manger, me poser… bref, journée tranquille. J’aurais aussi besoin de bricoler un peu sur le Chamion. Pas aujourd’hui. Pas la motivation. Sans doute demain.

    Et demain, en effet, je me motive. Ah, la mécanique à l’arrache sur les parkings ! Pour une vraie opération à cœur ouvert, avec les moyens du bord. Bon, en vrai, ça a l’air impressionnant comme ça, mais j’ai déjà vu Patrice démonter tout ça plusieurs fois, et je me sens prêt à le faire moi-même.

    Donc oui, j’avais bien une fuite d’huile au niveau de l’essieu. Je confirme : j’ai bien remplacé le joint que Patrice avait fait en carton à chaussure par un joint en carton à pâtisserie. Et je confirme également que le drap housse de mon lit commençait à avoir trop de trous, et qu’il a donc été reconverti en chiffon pour la cause.

    Et non, je n’ai pas donné de ma personne pour me procurer ce carton à pâtisserie. Je l’ai sagement récupéré dans une poubelle. Parce qu’en Espagne, il y a des poubelle partout. Pas juste des poubelles tout venant. Mais des poubelles de tri. A minima, une pour le verre, une pour les emballages. Des fois, les emballages sont divisés en plusieurs sous catégorie. Et on trouve aussi des poubelles à compost. Cette omni présence de grandes poubelles me laissent imaginer qu’il n’y a pas de ramassage en porte à porte. Vues comment les poubelles sont partout, ça ne me donne pas l’impression que ce soit compliqué à gérer pour les habitants. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que quand on a une maison à roulette, c’est super pratique. Et quand on a besoin d’un carton à chaussure, on trouve un carton à pâtisserie, et ça a l’air pas mal non plus.

    Nous sommes samedi midi ; le Chamion est réparé. J’hésite. D’un côté, une autre journée à ne rien faire me tente bien. D’un autre côté, rouler un peu me tente bien. Décision sur un coup de tête. Soyons fou. Je repars ! En plus, je sais où je vais. C’est pratique.

    Uncastillo

    je remonte la route du col, et au lieu de prendre à droite (là d’où je viens), je tourne cette fois à gauche. Un dernier coup d’œil à Sos, et c’est parti.

    Ce n’est pas le chemin suggéré par google. Ce n’est pas le chemin avec les routes les plus grosses. Mais c’est le chemin qui passe dans les montagnes. Qui monte, qui descend, et qui tourne !

    Je savais que ma route me ferait passer par Uncastillo. En y arrivant, en voyant le village, son château là-haut, j’ai tout de suite décidé que j’y ferai escale.

    Je traverse le village en cherchant un endroit où garer le Chamion. Mais c’est pas simple. Jusqu’à ce que je vois un panneau « aire de camping car ». Bon, parfait. Je vais aller là-bas. Le panneau me dit de tourner à droite. Sur le mini petit pont ? Doit y avoir erreur. J’ose pas… mais non, en effet, de l’autre côté du petit pont, il y a bien un parking. Ils ont l’air de vouloir que j’aille là bas.

    Soit… je me dis que ça peut se tenter. En virant un peu large, quitte à faire le virage en plusieurs fois. Je vais donc un peu plus loin, je me débrouille pour faire demi-tour. Et vois le panneau « attention, balcon bas ». Ah oui, ils sont à 3m50. Raté pour le virage large. J’essaie quand même. Je me dis que ça va vite être galère. Un autochtone s’approche de moi avec un grand sourire. « vous êtes mieux d’aller faire demi-tour et de rentrer par l’autre côté ». Voui, merci monsieur, je suis assez d’accord en effet. Y a pas de balcons, de l’autre côté. Je roule donc un peu plus loin. Refais demi-tour. Un autre autochtone me fait signe. Il a dû me voir tourner en rond. « Vous savez, vous pouvez passer par la rivière, c’est plus simple ». Alors oui, en effet, ça pourrait paraître surprenant formulé comme ça. Mais j’avoue que je m’étais posé la question dans un coin de ma tête. De passer par la rivière. J’aurais jamais osé sans la suggestion de quelqu’un. Mais au point où j’en suis, après tout ces chemins de terre, je ne suis plus à ça prêt. Dire qu’il y a deux ou trois jours à peine, je pensais avoir fait tout ce qu’il était envisageable de faire en Chamion…

    Et donc, me voilà garé de l’autre côté. Et je pars visiter ce village qui me parait assez grand. En fait, je comprendrai assez vite que s’il m’a paru grand, c’est parce que j’en ai fait tout le tour en Chamion. En réalité, on le traverse assez vite. Mais c’est joli. C’est agréable. Et c’est un peu comme tous les autres villages du coin. Tortueux. Avec un joli truc qui domine en haut. Et plutôt calme… bon, on est samedi après midi, il y a quand même quelques gens dans les rues.

    J’ai hésité un moment. L’endroit me plait. Je pourrais dormir ici… mais non. Après réflexion, hésitation, et après avoir fini la tarte à l’oignon (pas pour la rime, mais parce que j’avais faim), comme il est encore tôt, je décide d’aller un peu plus loin aujourd’hui. Je sais qu’à 30 kilomètres d’ici (45 minutes de Chamion on va dire) m’attend un autre village et un parking confortable. Alors je repars. Je redescends dans ma rivière, retrouve la route, et c’est reparti.

    Luesia

    La route est toujours belle et agréable. Pas large, mais je croise rarement d’autres véhicules. La plupart ont peur et se jettent directement dans le fossé pour me laisser passer. C’est bien inutile. On se croise quand même plutôt bien.

    Quand j’arrive à Luesia, j’ai un moment d’hésitation. Le village a l’air sympa, avec son parking qui m’attend à l’entrée. Sa tour en haut d’une… oh… je reconnais comme un genre de répétition ici. Alors j’hésite un peu, mais pas trop. Je n’ai pas envie de m’arrêter dans chacun de tous les villages que je vais croiser… Je roule donc encore une vingtaine de kilomètres.

    Et finalement, Biel apparaît. Mon étape pour ce soir, donc.

    Dans le lointain, j’ai repéré quelques lignes de crêtes inspirantes, que je vais peut-être apprendre à connaître un peu mieux. Je ne suis plus qu’à 50 kilomètres de Huesca. Mais d’après mon repérage de la région, je pense que ça va me prendre un moment pour y arriver. La ligne droite et le chemin le plus court ne sont pas au programme des prochains jours.

    Arriver à Biel, c’est un autre passage symbolique aussi… je viens de sortir de la page 20 de mon atlas. Souvent, dans les cartes comme dans les atlas, les plis sont exactement là où il ne faut pas. Exactement là où on veut aller. Mais à d’autres moment, les pages sont exactement là où elles doivent être. C’est le cas de la page 20. J’y suis rentré le 26 janvier, alors que je passais la frontière espagnole, et que j’arrivai à Pamplona. Et depuis… eh bien depuis, je ne l’avais pas encore quittée.

    Je vérifie quand même plusieurs fois pour être sûr. Seulement 18 jours ? Ça fait seulement 18 jours que je suis en Espagne ? Je suis toujours fasciné de voir à quel point le temps ne passe pas à la même vitesse sur la route…

    Un commentaire

    1. Commentaire de Patrice GEORGES

      Oui, comme toi, lorsque je suis en voyage, les jours passent à une vitesse folle!
      Et quand il faut prendre le chemin du retour, je n’en ai pas très envie.

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