Tête en bas

Down under wandering. Archipelagoes to islands; beaches to deserts; mountains to cities.

Trois jours et trois jobs plus tard


Je me demande quand même… changement dans l’alignement des astres ? Changement dans la période de l’année ? Changement dans le CV ?Changement dans la ville ? Changement dans les démarches ? Sans doute un peu de tout ça en même temps…

Mercredi soir, j’envois quelques mails pour répondre à des annonces via Gumtree. Le site internet de petites annonces, qui marchait si mal à Sydney, à cause des centaines de milliers de personnes qui répondent à chaque annonce. Il n’empêche que jeudi matin, j’avais un mail m’invitant à un entretien d’embauche le lendemain.

Le jeudi, je m’en suis allé porté des CVs. Je discute avec la fille dans la première place où je rentre. Elle m’annonce que c’est sa mère qui s’occupe de la place, mais que je peux venir en test le samedi matin.

Le vendredi, l’entretien est une rencontre de groupe. Paul est le fondateur de ASAP, une agence spécialisée dans la levée de fond. C’est un truc qui marche formidablement bien en Australie. Ça embauche à tour de bras. Il nous présente le concept, nous pose une ou deux questions, pour être bien sûr que l’on a compris ce que l’on attend de nous, pour voir nos personnalités. Un peu après, je reçois un texto me confirmant mon embauche et une formation le mardi d’après. Qu’est-ce que je vais faire ? Parler aux gens dans un centre commercial. Les encourager à faire des dons pour aider des enfants dans le besoin. La levée de fond est quelque chose qui a un côté très immoral pour moi, notamment pour ce qui est de la paie. Zéro paie de base, tout fonctionne à la commission. Comme la dit le recruteur « vous gagnez ce que vous valez ». Ça sonne bien « exploitation du petit voyageur » tout cela. Il n’empêche que je suis vraiment intéressé à faire l’expérience. Parce que j’y vois quelque chose d’extrêmement formateur : apprendre à vendre. Pour un graphiste, pour quelqu’un qui fait beaucoup de travail autonome, et dont la grosse lacune, c’est le démarchage de nouveaux clients, je pense que j’ai beaucoup à apprendre. Je suis très curieux de voir ce à quoi ça va ressembler, et attend la formation, et surtout la première journée, avec impatience.

Le samedi, j’ai fait mon test, non payé, d’esclave en cuisine. Il est fortement recommandé de refuser les longs tests non payés, chose que j’approuve fortement. Mais pour l’occasion, j’étais autant testé que je testais le job. Parce que « kitchen hand » (l’appellation officielle des esclaves en cuisine) c’est quelque chose que je n’avais jamais fait. J’ai eu l’outrecuidance et l’audace d’annoncer un 6 mois d’expérience comme kitchen hand au restaurant de La Feuille, dans la ville de Charbinat. Les chances de vérification était, je pense, plutôt mince. Oui, vous avez bien lu, j’ai franchi le cap : je me suis décidé à mentir sur mon CV. Il était hors de question pour moi de me créer des compétences que je n’avais pas. Il n’empêche que je prétends savoir ma place en cuisine. Je sais qu’on utilise la lame du couteau pour couper, et le manche pour tenir. Je sais que couper des oignons ça fait pleurer, et qu’un couteau à petites dents c’est beaucoup pour couper les tomates. Alors fier de toutes ces connaissances (et de quelques compétences pratiques aussi) je me suis dit que je pouvais toujours tenter ma chance. Dire « oui oui je sais faire » et voir ensuite, dans le fait accompli, si je sais faire ou pas. La seule chose que j’ai apprise, c’est que les laves vaisselles de restauration, tu mets du produit dedans juste en début de journée. La chose la plus difficile que j’ai eu à faire ? Étaler de la sauce tomate sur des pizzas. J’ai réussi toutes ces tâches avec brio, j’ai accepté sans rien dire quand la madame m’a parlé d’un salaire en dessous du salaire minimum, et je me suis donc retrouvé avec mon deuxième job. Aucune expérience a gagné à ce niveau là, mais une petite rentrée financière qui sera la bienvenue. Il est très clair dans ma tête que je quitte dès que je trouve mieux.

Le samedi soir, de retour su gumtree, je réponds à une annonce demandant de l’aide d’urgence. L’annonce est publiée depuis moins de dix minutes. Je réponds bravement « je peux être sur le plancher demain ». Une heure après, un mail m’invite à me présenter à 7h du matin au café. À une heure de là, en tram. Tram qui commence à circuler plus tard le dimanche matin. Pas grave, j’irais en vélo. Je suis courageux. Quand le réveil sonne, à 5h45, je me sens beaucoup moins courageux. J’hésite un tout petit peu. Les gens qui me connaissent (j’entends mes parents rire d’ici) savent que je ne suis pas vraiment quelqu’un du matin. Quand j’ai entendu la sonnerie, je me suis demandé si j’avais vraiment envie de me réveiller à cette heure là cinq jours par semaine. Je me suis rendormi sans problème, et sans scrupule. Pourquoi ? Parce que j’ai déjà un travail. Parce que j’en teste un autre bientôt. Que ça n’a pas l’air d’être la situation catastrophique de Sydney. Alors je me permets de faire mon difficile. Et toc !

Dimanche après midi, après une petite promenade en ville avec Iris, on se pose tranquillement chez Lindt, à boire un milkshake au chocolat. Je vois déjà les yeux de ma poulpinette s’ouvrir en grand « le chanceux, il va bosser chez Lindt ». En fait, non. J’ai juste pas entendu mon cellulaire sonner. Je reçois le message par contre. Je suis invité pour une interview, esclave en cuisine dans un restaurant fusion japonais. Problème ? Je ne suis pas sûr de comprendre le numéro à rappeler, et je n’arrive pas à rappeler. Pas grave. Quelques recherches sur google me donne l’adresse du restaurant. Je m’y présente directement. Le cuisinier me regarde méfiant. Je dis le nom de la personne qui m’a appelé. Ça débloque tout de suite la porte. Je suis en entrevu improvisée 30 secondes après. Une demoiselle adorable, très gentille, avec qui le courant passe très bien. Je lui parle de ma passion tout à fait réelle pour la cuisine, ma passion tout aussi réelle pour la cuisine fusion, mon intérêt tout aussi grand pour la cuisine japonaise, et ma volonté tout à fait sincère d’apprendre des choses dans une cuisine. Parce que d’après elle, il y a beaucoup à apprendre. Je lui confirme savoir tenir un couteau, être motivé. Là encore, quand je demande le salaire minimum, elle me regarde avec des grands yeux ronds, me disant que ça ne sera pas possible. Pas grave. Je suis curieux. Intrigué. Je veux apprendre. Elle doit en discuter avec son manager, et devrait donner suite pour une journée de test (payée, mais au lance pierre).

La situation a beaucoup changé depuis Sydney… je trouve du travail sans problème, mais j’accepte des choses que je n’aurais sans doute pas accepter à Sydney. En même temps, si je les accepte, je pense que c’est plus par curiosité que par réelle nécessité. Évidemment, je n’ai pas le choix de commencer à travailler, et une paie, même à 13$ de l’heure, sera plus que bienvenu. Mais il y a, en plus, une réelle volonté d’apprendre comment la vie se passe dans les cuisines. De voir l’envers du décor. D’essayer, un peu, pour une fois, d’être de l’autre côté.

Voyager, c’est aussi les nouvelles expériences, les formations, les découvertes, les apprentissages. Alors pour moi, tout ça, ça m’intrigue au plus haut point. Je sais très bien qu’en faisant cela, je joue un jeu que je devrais refuser. Après tout, je peste contre les annonces « recherchons graphiste bénévole désirant améliorer son portfolio ». Parce que dans un certains sens, c’est ce que je fais. Accepter de me brader, pour essayer quelque chose que je ne connais pas. Je le fais sans trop de scrupule. Ma conscience, pour  l’instant, se porte pas trop mal. Et de toutes façons, je continue de porter des CVs, en attendant de trouver un endroit où j’aurais au moins le salaire minimum !

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