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Et si on revenait à la maison ?
Le ciel qui nous attend à notre réveil correspond beaucoup plus à la vision que j’ai du désert. Le paysage et la lumière aussi. C’est quand même beaucoup plus crédible qu’un ciel gris. Il vente énormément, et il ventera toute la journée. Mais en dehors de ce petit détail, il fait beau, il fait chaud, on est bien. La 395 est magnifique, et on la suivra un très long moment. Pas grand chose à signaler tout au long de ces kilomètres, si ce n’est que je passe mon temps à m’arrêter pour admirer et faire des photos.
On croise quand même Alcali Lake et Abert Lake, deux lacs semi asséchés, semi vivant, et très salés.
Et puis on quitte l’Oregon. C’est pas la première fois. J’ai quitté l’Oregon un certains nombre de fois (quatre ou cinq je dirais) au cours de ce voyage. Mais cette fois ci, c’est sûr que je ne reviens pas avant un moment. Si j’aimais la Californie, l’Oregon a vraiment mis l’état du gouvernator au second plan. Oui, il faudra que je prenne le temps de faire un résumé de tout ça à un moment… la Californie, on n’y reste pas longtemps. Juste le temps de faire un détour ravitaillement à Alturas, puis de revenir au nord prendre la 299.
Juste avant de quitter l’Oregon, on aurait du voir un geyser, mais celui-ci est à sec. La madame qui me donne l’info me dit que l’année a été particulièrement sèche ici. Ils semblent manquer d’eau. En parlant de manquer d’eau, le van est à sec. De partout. On a roulé un peu plus de 200 kilomètres sans croiser la moindre station d’essence. Heureusement qu’il a une belle autonomie quand même ! Le réservoir d’essence est vide depuis la veille au soir. Et le propane est sans doute pas loin non plus d’être vide. Alors aujourd’hui, on reremplit tout. On rachète aussi du chocolat (on sait jamais !) et une bouteille de brandy. Les stocks sont faits. Ça a un petit côté « déjà vu » ce « il faut que tout soit rempli au maximum ». On se dirige vers la 299, que l’on quitte ensuite en direction de Gerlach. Oui, finalement Danielle a décidé. Je n’étais pas tout à fait sûr, mais voir Black Rock Desert, ça lui fait bien envie. C’est donc là bas qu’on fêtera son anniversaire demain. Un chouette endroit, je trouve, pour fêter un anniversaire.
Je ne me souvenais pas que la dernière étape, au Nevada, était si longue. Ça prend une bonne heure et demi après avoir quitté la Californie. Sauf que cette fois, il n’y a absolument personne sur la route ! Mais je reconnais le paysage avec grand plaisir !
Et puis on contourne une dernière colline, et on voit la petite ville de Gerlach apparaître toute seule, toute petite, au milieu de son grand désert. À Gerlach, il suffit de tourner à gauche. Sauf que juste au moment de tourner à gauche, juste après, je vois ce petit panneau. Complètement effacé. « Hot Spring ». J’avais bien lu qu’il y avait des sources chaudes à Gerlach, sans avoir la moindre idée de où… en même temps, en plus du panneau complètement effacé et passé date, il y a ce panneau « entrée interdite ». Alors évidemment, ça fait hésiter. Mais c’est quand même tentant. À ce moment là, on voit une voiture prendre le chemin. On se décide à la suivre. Je me dis qu’on pourra toujours demander la permission ou l’information… sauf qu’on perd la voiture de vue. On hésite une fois de plus. Une autre voiture arrive. On demande si on a le droit d’accéder aux Hot Srpings. Le gars semble surpris. « Bien sûr, vous pouvez y aller, si l’eau n’est pas trop chaude. Moi je suis là juste pour une minute ». On commence donc à se changer, discrètement caché dans le van, tout en observant le monsieur en train de tester l’étanchéité de son matelas gonflable dans le bassin. Remarque, pourquoi pas après tout ?
Et puis on trempe un pied. Pinaise que c’est chaud ! Mais pinaise que c’est bon ! C’est qu’on a quand même bien roulé aujourd’hui, c’est mérité. À vrai dire, je n’arriverais pas à m’immerger complètement. C’est trop pour moi. Mais je resterais quand même un petit moment. Danielle fera même quelques brasses. Le bassin est magnifique, au milieu de nul part, en pleine nature, sous ce ciel bleu grandiose. Que du bonheur !
On sortira quand même tout rouge. Direction… la playa ! Le soleil commence à se coucher. J’avoue que j’aimerais bien dormir au milieu de Black Rock Desert, mais je ne suis pas sûr que ce soit autorisé, et je préférerais éviter si ce n’est pas légal. On roule un peu. On retrouve le chemin d’accès, un panneau d’information à l’entrée. « Camping autorisé à plus de 30 mètres d’une source ». Bon, ça, à priori, ça ne devrait pas poser de problème.
Le sol est parfaitement régulier. Il y a bien quelques traces de voitures, mais les traces des deux exodes semblent en grande partie disparues. Je me souviens quand même la direction générale, et on l’emprunte donc. C’est un sentiment extrêmement particulier de se retrouver ici, à nouveau, avec absolument rien, ni personne. Je suis heureux. De retour à la maison. Sauf qu’il y a personne à la maison, et que pour ça, c’est un peu bizarre.
Rouler sur une playa parfaite, c’est un vrai bonheur. C’est lisse, c’est propre, c’est régulier. On peut aller où on veut, n’importe comment.
Un groupe de voiture apparaît à l’horizon, plus ou moins à l’emplacement que j’imaginerais être celui de Black Rock City. On se dirige donc vers eux. On est samedi soir. Je me demande si on va rencontrer un groupe de burners nostalgiques. Ça pourrait être sympa après tout ! En s’approchant, je me dis que finalement, c’est pas vraiment le look. L’un d’eux nous salue de la main, et on va dire bonjour quand même. Danielle parle avec l’un, je parle avec l’autre. Il me demande si on a eut de la pluie. C’est vrai que c’est extrêmement couvert, et qu’il y a un beau nuage à l’horizon. La playa sous la pluie, j’ai essayé. J’ai prévu Danielle : s’il pleut, on ne bouge plus tant que ça n’a pas séché. La terre ici à une capacité agglomérante impressionnante ! Je pense pas que le van ferait plus de 100 mètres. Bref, le gars nous dit de faire attention. Je lui dis que je suis au courant. On reprend la route. Danielle me dit que l’autre personne lui a dit qu’ils sont là pour faire des cartes de Noël. Ils ont des tentes, avec une génératrice, et des guirlandes. Pourquoi pas !
On roule encore un peu. Je suis à peu prêt persuadé d’être à la bonne place ; dans le même temps, le sol de la playa est beaucoup plus chaotique. Comme si plein de gens seraient passés par ici dans tout les sens. Ça se tient. Je continue à rouler un peu, au hasard. C’est amusant cette immense étendue infinie, où l’on peut aller où l’on veut.
On regarde les nuages qui se rapprochent, en se demandant si on va se prendre une énorme averse. Il semblerait que non. C’est simplement extrêmement venteux. D’ailleurs, je reconnais l’odeur de la poussière, qui était omni présente pendant Burnint Man. Cette odeur me rappelle beaucoup de souvenirs. Et puis le paysage, dehors… ah, le paysage…
On installe le van bien confortablement. Le vent souffle de plus en plus fort dehors, mais ce n’est pas grave, on est bien à l’abris. Il ne fera sans doute pas très chaud cette nuit, mais c’est pas grave, on est sur la playa.
C’est vraiment bizarre. Hier au soir, sur le petit parking, j’avais un étrange mauvais feeling pas agréable. Il a fini par passer après un bon moment à rationaliser. Ce soir, au contraire, j’ai un sentiment tellement positif qui m’habite. Je suis tellement bien sur ce petit tas de sable au milieu de nul part. Il n’y a absolument rien, personne. Juste le vent, la poussière, et nous. Et j’aime ça !
Tiens, pour fêter ça, en pré-anniversaire de Danielle, on ouvre la bouteille de vin que j’avais acheté il y a quelques jours. Du vin… ça fait un millénaire ! J’aime toujours ça à priori, c’est bon signe ! Un shiraz produit à Washington, bien parfumé, qui accompagne parfaitement les pâtes au bleu !
La soirée continue tranquillement avec une petite discussion philosophique. Décidément, il va falloir que je l’écrive et que je la détaille ma théorie sur la génération tranquille !
Demain, la journée devrait être bien remplie. J’ai pas mal de photo à faire au milieu de la playa. Et on doit enregistrer l’une des chansons de Danielle. Tout ça a condition que le vent se calme, et qu’il ne pleuve pas. Bon, après, on a largement une semaine d’autonomie, probablement même un peu plus. Et ça me surprendrait qu’il pleuve une semaine d’affiliée au milieu du désert.
Allez… avouez, elle est belle ma playa :
Burning Man – Décompression
Et voilà… la date tant attendue est enfin là. Ça fait un paquet de temps que j’annonce à tout le monde que je vais avoir 30 ans le 10-10-10. C’est fait, j’ai trente ans. Je suis pareil, je n’ai pas changé. Enfin si, j’ai énormément changé en dedans, mais c’est la faute au voyage, pas à l’anniversaire. En même temps, j’ai commencé à avoir 30 ans hier. Grâce aux 9 heures de décalages que j’ai avec la France, j’ai reçu mon tout premier « joyeux anniversaire » la veille à 15h14. Une journée d’anniversaire qui dure 33 heures, c’est encore mieux !
Aujourd’hui, une seule chose à faire : aller à l’événement de décompression de Burning Man. C’est quoi un événement de décompression ? Bonne question… pas très facile à expliquer. En gros, c’est une façon de faire revivre l’esprit de la playa ; une façon pour les burners de ne pas rester trop longtemps dans la réalité, et de pouvoir déconnecter de temps à autre. C’est, tout simplement, une nouvelle excuse pour faire la fête. J’aurais donc réussi un triplet gagnant, vu que j’étais aussi à l’événement de précompression de Burning Man en juin. Pour information, vous pouvez relire le post relatif ici : http://sc.c-pp.biz/calivada/?p=201. J’ai eut, personnellement, beaucoup de plaisir à le relire, même si c’est très court, sachant ce qui s’est passé depuis. Je trouve d’autant plus amusant d’avoir assisté aux trois événements sans que ça ne soit prévu ou programmer. Je me suis retrouvé avec Fannie à San Francisco juste au bon moment. J’ai découvert quelques semaines après avoir quitté Montréal que je serais à nouveau au bon endroit au bon moment pour Burning Man. Et je devais fêter mon anniversaire à Montréal, avant de finalement changer d’avis, et revenir une fois de plus à San Francisco. Comme quoi ! Du coup, petite déception supplémentaire de ne pas avoir eut mon appareil photo pour le précompression. Ça aurait compléter parfaitement une possible exposition photo ! Enfin, pour tout ça, on verra bien.
On a commencé la journée tranquillement, avant de se décider à se préparer. Ça commençait à midi, mais on partira vers 14h environ, après une préparation minutieuse.
Et oui, je n’ai malheureusement plus les magnifiques lunettes de protection de Kelly, il faudra faire sans. Et puis le masque a souffert lors de la dernière soirée à Black Rock City, mais on fera avec également. Par contre, sachez que la poussière dans les cheveux, c’est de la vraie poussière de Black Rock City. Je me suis permis de repartir de là bas avec un petit sac souvenir, et j’en ai donc utilisé une partie pour un shampoing original.
Jane et Mowgly sont prêts également.
À nouveau un joli petit trio :
(La version précompression est là : http://sc.c-pp.biz/calivada/?p=80 )
Première constatation en arrivant : ce n’est pas qu’au milieu du désert que l’on doit faire une longue file d’attente ! On remonte donc une ligne de gens sur plusieurs coins de rue, un peu inquiet. Mais heureusement, ça avance vite. Je tente de négocier une entrée gratuite pour mon anniversaire, mais sans succès. Tant pis.
En regardant tout ces gens, il y a tout de suite quelque chose qui me perturbe. Ça ne prends pas longtemps avant que je comprenne : tout le monde est propre et bien soigné. Les gens ont sorti leurs plus beaux costumes, et il n’y a pas un grain de poussières. Pire encore, ils ont pris leur douche avant de venir, sont maquillés, arrangés… du coup, le sentiment n’est plus du tout le même. Et puis on n’est plus au milieu du désert. Les masques et les lunettes de protection ne sont plus nécessaire. Bref, l’ambiance « post apocalyptique » a complètement disparu, et je ne suis pas encore rentré sur le site que ça me manque déjà… trop de couleurs flash, pas assez de tons ternes et sales. Pas assez de gris, et de sable. Trop de violet.
Il y a très rapidement autre chose qui me dérange. Là encore, je mets le doigt dessus très rapidement. Tout les déchets qui recouvrent le sol. Bouteilles vides, emballages… si les gens font attention dans le désert, en pleine ville, c’est complètement différent. Et puis à force de déambuler et regarder les gens, je fais assez rapidement la distinction entre deux grandes catégories. Il y a ceux qui sont allés au moins une fois à Black Rock City, et qui viennent pour se souvenir et pour faire revivre la playa. Et il y a ceux pour qui c’est juste une occasion pour faire la fête, danser, boire et fumer. Mon petit doigt me dit qu’une bonne partie des saletés sur le sol provient de ce deuxième groupe de gens…
Le troisième point, enfin, qui me fatigue, c’est que l’argent est de retour. Il y a des stands où l’on peut acheter de la nourriture et de la boisson. Voir des prix, voir écrit « Redbull », même si je comprends bien que le concept de l’événement est différent, je trouve que ça ne marche pas. Du coup, alors que je marche dans un magnifique gazon bien vert, j’ai un coup de nostalgie. J’ai envie de poussières et de tempêtes de sable !
La première partie de l’événement restera quand même un moment bien agréable. On part tout les trois chacun de notre côté, et je me contenterais de déambuler, dans un sens puis dans l’autre. Je regarde les gens, je réfléchie, j’observe. J’écoute la musique. Je danse un peu à un moment, mais je n’ai pas vraiment la tête à ça. Et puis je fais quelques photos aussi.
Jane is back in Brötermeløn !
Je l’aurais attendu longtemps lui :
Il y a aussi un plan de la playa, avec différentes couleurs, pour dire si les occupants ont laissé la zone propre. La notre était parfaite, suite à un magnifique travail de nettoyage avant de partir ! Je reste aussi un petit moment à regarder la photo aérienne très haute résolution, prise de Black Rock City. Je l’avais déjà vu en ligne, mais imprimé, c’est vraiment impressionnant. Je vérifie, on voit le Pourquoi Pas ? sans problème. Il y a des posters à vendre, un peu plus petit, mais d’une résolution suffisante également. Je partirais donc avec un, en souvenir.
[Tout en haut, il y a un gros carré noir avec une croix rouge ; juste à côté à droite, c’est le camp dont je faisais parti. Dans le camp, il y a une structure assez grosse (là où étaient suspendus les hamacs). Juste au dessus de cette structure, deux rectangles (deux tentes). Au dessus de la tente de gauche, le rectangle, c’est Pourquoi Pas ?. Sur la version très haute résolution, on peut même voir le gris et le vert sur le moteur à l’avant. Sur mon poster aussi d’ailleurs]
À un moment, j’entends des gens chanter joyeux anniversaire. Je vais les voir, fais un câlin à la fêtée, en lui disant que moi aussi c’est ma fête. Et hop, j’ai même eut le droit à une tite chanson rien que pour moi !
J’ai eut le droit à un autre moment « fort », quand j’ai croisé la demoiselle à l’ombrelle (voir la série de photos « Traces » publiées à la fin de Burning Man). Je savais qu’elle était de la région de la Baie, mais sans plus de détails. Tout comme je savais que je n’avais aucun moyen de la contacter. Pourtant, elle était quand même une de mes raisons de venir… j’avais envie de la revoir. Elle a été très surprise ; après tout, venant de Montréal, c’était peu probable que je sois là. Surtout que je lui avais parlé un peu de mes plans, et que ça n’était pas du tout prévu. Bref… on n’a pas parlé longtemps ; elle était avec des amis, et avait, semble-t’il, pas mal de choses de prévues. Mais bon. L’important, pour moi, c’était juste de la revoir. Ça me rassure, une fois de plus. Ça me confirme que le monde est petit, et que l’on peut donc revoir les gens que l’on a envie de voir (confirmation dont j’ai quand même un peu besoin en ce moment). Juste par hasard. Ou avec un hasard à qui l’on force un peu la main quand même…
Et puis finalement, la deuxième partie de la soirée commence. Celle que, j’avoue, je commençais à attendre. Celle qui nécessite qu’il fasse nuit… il y a quelques oeuvres d’arts qui s’allument ou qui s’enflamment… et surtout, il y a plein de gens qui commencent à faire du feu. J’arrive au tout début, et me trouve un emplacement juste parfait. Et là, je me fais franchement plaisir. Difficile de demander mieux comme partie de fête !
Et puis pendant tout ce temps, pendant que je regarde et admire, les pensées se bousculent dans ma tête. Les questions et les réponses. La balance a changé : il y a désormais beaucoup plus de réponses que de questions. Je pense à peu prêt savoir où je m’en vais maintenant. Évidemment, il faudra que je revienne à Montréal et que je laisse toute la poussière retombée pour être sûr. Mais dans l’ensemble, ça se précise bien.
Finalement, le feu s’éteint. Un groupe de musique prend le relais, mais jouera pendant une petite demi heure. Malheureusement, on est dans une zone résidentielle, le couvre feu est à 22h30. Il y a bien des « after » à différents endroits, mais ça n’est pas plus inspirant que ça. On rentrera donc, fatigué et heureux. Trop fatigué pour moi. Je laisse les clés du Pourquoi Pas ? à Jane, et pour la première fois depuis 15000 kilomètres (l’étape a été franchie hier) je voyage dans le fauteuil du passager !
Une fin de semaine dans les sources chaudes.
Je viens de retrouver, le temps d’une longue fin de semaine, une partie des sentiments qui m’avaient habité au cours de Burning Man. Pendant ces quelques jours, Tassa, Clam, Mowglie, Joseph, Cassy, Pixi, Forest, et tout les autres, m’ont à nouveau donné un exemple magnifique du sens de la communauté. Installés sur le bord de la rivière, au pied d’une cascade magnifique, juste en face des Sources Chaudes d’Umquat. Il suffit de traverser le cour d’eau pour les rejoindre.
Quiconque passe à portée de voix se voie invité ; à prendre un café, fumer une cigarette, manger quelque chose… je me suis joins à la communauté tout naturellement le vendredi soir. J’ai apporté mes quelques talents, beaucoup d’essence, et j’ai été accueilli avec énormément de générosité, d’amitié, et de nourriture. La différence, c’est que cette communauté, temporaire et aléatoire (un bus scolaire réaménagé en provenance du Vermont, un autre bus scolaire réaménagé, pour une famille de 7 enfants, et quelques amis de passage), se forme, se déforme, et se transforme. Elle se déplace sans jamais s’arrêter. Ce sont des descendants directs du mouvement hippie, version bohème. Ils boycottent Burning Man pour la plupart, parce que c’est payant, et que c’est cher. À la place, la plupart participe à des Rainbows Gathering. Des rassemblements gratuits, d’envergure changeante, et ayant lieu un peu partout aux États Unis. Il paraît qu’il y en a un dans l’état de Washington, en novembre…
Tassa a 21 ans. Originaire de l’Ohio, elle a passé toute sa jeunesse en Alaska. Elle fugue a 16 ans pour aller rejoindre sa mère, dans la région des grands lacs. À 17 ans, elle a pris la route. Ça fait 4 ans qu’elle voyage, qu’elle mène une vie de nomade. Elle me fascine au plus haut point. J’ai besoin de la comprendre, j’ai besoin de saisir ses motivations. Mais elle partira toute seule de son côté, moi du miens. Ma vie est trop rapide pour elle, et elle se revendique hautement indépendante. Elle va passer quelques temps dans le nord de la Californie ; j’aurais peut être l’occasion de la recroiser. Son rêve, c’est d’avoir son propre « school bus » à elle, pour emmener des enfants avec elle, et leurs apprendre les arts du cirque. Les vieux autobus jaunes sont rachetés, réparés, aménagés. Ils sillonnent les routes de l’Amérique du Nord. On les retrouve surtout sur la côte ouest, tellement ouverte à ce niveau. Nous sommes dans une forêt nationale, le camping sauvage est donc autorisé. En plus des deux autobus, il y a beaucoup de groupes, installés un peu partout, dans la forêt, qui profitent gratuitement des sources chaudes. Tout le monde cohabite sans le moindre problème.
Deux jours complets à découvrir ces gens et leur mode de vie. La journée à discuter, à relaxer dans les sources chaudes, à se pratiquer à jongler. Le soir, au coin du feu, guitares, tamtams, chants. Un accordéon, aussi, qui passait par là. Comme presque à chaque fois, je me demande ce que serait ma vie aujourd’hui si à la place de « piano classique » j’avais choisi la guitare a 10 ans… je n’ai aucun regret : je continue à préférer le piano ; il s’agit simplement de curiosité. Et d’un (tout petit) peu de jalousie.
On a fait une petite virée en van le samedi, pour aller faire le plein. Il n’y avait plus rien à boire. Le magasin le plus proche, tout comme le téléphone le plus proche, sont à 30 kilomètres de route. Tout est partagé sans que l’on se pose de questions. De temps en temps, quelqu’un fait à manger. Il y en a une certaine quantité, imprécise, aléatoire. Des gens ont des cigarettes, d’autres non. Ce ne sont pas toujours les mêmes. Le tabac se passe d’une main à une autre sans soucis.
J’ai perdu le décompte du temps horriblement vite. J’ai déconnecté de beaucoup de choses, je me suis retrouvé à un niveau de vie des plus simples. Manger du gruau avec une capsule de bière, dans un couvercle en plastique, ça marche parfaitement et un morceau de boîte en carton convient parfaitement pour faire une assiette. On fait avec ce que l’on a, on se débrouille, et ça fait du bien. On ne se complique pas. On vit, on est heureux, et c’est tout. Ça fait plaisir d’entendre Tassa répéter à plusieurs reprises “I love my life”. J’aime ce mode de vie où, contrairement à Burning Man, il n’y a rien à faire. L’animation, c’est nous qui la faisons, quand on en a envie. Sinon, on peut aller aux sources chaudes, jongler, ou se promener dans les environs.
Là où je suis sincèrement impressionné, c’est l’état du campement. Le soir, c’est une vingtaine de personnes au coin du feu. Dans la journée, il y a toujours des gens qui se promènent, qui font à manger, du thé, du café… le samedi, quand je me suis couché, c’était un chaos relativement impressionnant. Le lendemain, quand je me suis levé, le ménage avait été fait. J’ai fait ma part, le dimanche après midi. Je me suis promené pour ramasser ce qui traînait. Faire du « MOOPING ». Le terme me plaît et est resté. L’ensemble était relativement propre. Définitivement plus propre que ce que j’aurais attendu d’un groupe identique mettons… en France, par exemple.
En fait, l’une des rares choses qui me dérangent, même si c’est un peu bête, c’est qu’ils ont quasiment tous le même look. Et en même temps, ça semble parfaitement normal… les dreads, ça évite de se laver les cheveux. La barbe, pas besoin de la raser. Les vêtements sombres, ça se voit moins quand c’est tâché. L’équipement provenant des surplus militaires ? C’est ce qu’il y a de moins cher. Le tatouage et les piercings marquent leur volonté d’être marginaux… je n’aurais pas assez de temps pour les connaître, pour comprendre leur mode de vie. J’aurais sans doute dû poser des questions… après tout, les 70$ de bières ont été payé avec une carte bancaire. Et quand vient le temps de noter un numéro de téléphone, c’est dans leur cellulaire qu’ils le font. Débrouillardise et musique/mendicité ? C’est tout à fait possible. Tassa m’explique qu’ils ne paient quasiment jamais l’essence pour le bus. Ils arrivent toujours à négocier un peu de diesel au prêt des stations. Comment ? Je n’en ai pas la moindre idée. Et puis il y a aussi les chiens, quasiment omniprésents. Je ne comprends pas. Mais le fait que je n’aime pas les chiens y est sûrement pour beaucoup. Il y a 5 ou 6 chiens en permanence, ça fait du bruit, et jusqu’à trois chats.
Je fais une deuxième petite virée le dimanche, pour rejoindre le téléphone cette fois. Il fallait que j’appelle Amtrak, pour annuler mon billet de train. C’est fait. C’est confirmé. Je ne fêterais pas mes 30 ans à Montréal. San Francisco semble finalement l’emporter. Enfin, pour en être sûr, j’attendrais quand même dimanche prochain. Pourquoi Pas ? me refait le coup des freins qui ne marchent plus, et ça ça m’interpelle beaucoup. Angoissé, pas vraiment. Si c’est à nouveau la roue arrière droite, est-ce que ça veut dire que ça a été mal réparé ? Ou que ça va se reproduire tout les 5000 kilomètres ? Et si c’est une autre roue, est-ce que ça veut dire que ça va se reproduire pour les deux restantes ? Encore, et encore, et encore des questions qui viennent tout compliquer dans ma tête. Un sac à dos et un pouce, c’est bien rare que ça tombe en panne.
Je me déconnecte de plus en plus en ce moment, et je sens bien que j’en ai besoin. Demain, je pars, quelque part. Je sais pas trop où. À priori, l’océan… je n’ai pas le goût de reconnecter. Bien sûr que j’envie la liberté de Tassa. Tout comme j’envie ces gens, dans leur lofts Ikea du centre ville. Ces nouveaux parents, heureux un enfant dans les bras. Ces gens qui travaillent sur la route. Trop d’incompatibilité dans trop d’avenirs possibles et fascinants. Comme j’essaie d’expliquer à Tassa, je suis à un carrefour, et je n’ai aucune idée de la direction à prendre pour le moment. J’essaie de lui expliquer, parce que j’ai beau parler anglais sans aucun problème maintenant, il y a encore, des fois, des concepts qui me bloquent. En fait, j’aimerais tenter la même expérience en France ou dans un endroit francophone, où je pourrais, en plus, partager mes histoires. Un conteur qui ne peut conter, ça sonne triste à mes oreilles.
L’automne s’est installé en une fin de semaine. C’est impressionnant comme tout a tourné instantanément…
Le debriefing
Cette année, j’ai eut la chance d’assister pour la première fois à Burning Man. Je suis arrivé là bas sans vraiment savoir à quoi m’attendre, sachant simplement que je me joignais à un immense mouvement de foule de plus de 50000 personnes. Ça a commencé par un immense embouteillage, au milieu d’une tempête de sable, entouré de véhicules en tout genre. RVs grand luxe, autobus scolaire tirant une remorque plus longue que lui, westfalia, voitures normales… tout y est passé. Bref, j’avais très clairement l’impression que je n’avais aucune idée de ce dans quoi je m’embarquais et c’est probablement une excellente façon d’aborder la question. Moi, tout ce qui m’intéressait, c’est qu’il y avait beaucoup de feu partout, tout le temps, que c’était une ambiance très cool qui valorisait la créativité, l’art, l’originalité. Je suis arrivé là bas sans pouvoir me préparer : j’avais quitté Montréal depuis bien longtemps, et je n’avais pas du tout prévu, initialement, de me retrouver à Black Rock City. Je n’avais donc avec moi que les choses que je pensais absolument nécessaire pour ma survie pendant mon voyage. Je n’ai acheté, en prévision de Burning Man, que de quoi faire des litres et des litres de chocolat chaud, des crêpes et de la polenta.
J’avais entendu dire que Burning Man était un lieu de débauche, que je n’aurais pas le choix de prendre de la drogue. On m’avait dit que les États Unis étaient un pays tellement régulé, tellement légiféré, qu’ils avaient besoin, une semaine par an, de cette débauche complète et totale pour pouvoir supporter le reste. Toute cette partie là ne m’intéressait pas.
J’avais lu que Burning Man était un lieu d’échange, de partage, et de cadeaux. Un lieu où l’argent n’avait pas sa place. Un lieu où l’on pouvait échanger, donner ou recevoir, mais pas acheter. « Gift economy ». L’économie du cadeau. Toute cette partie là m’intriguait au plus haut point.
J’avais compris que les gens se déguisaient pendant une semaine. Qu’ils déconnectaient complètement du monde réel, pour rentrer dans l’univers de la Playa, la vie à Black Rock City. Jouer un rôle ne m’intéressait pas du tout. Je comprends parfaitement ce besoin de se déguiser pour pouvoir être plus facilement soit même ; je l’ai moi même pratiqué pendant quelques temps, et ça m’a fait le plus grand bien. Mais je trouvais un peu ironique que tout ces gens jouent un rôle pendant une semaine ; jouent à être gentils, généreux, ouverts d’esprits… pour oublier tout ça au moment de quitter Black Rock City.
Au moment de franchir la porte, deux personnes de l’accueil m’ont souhaité la bienvenue à la maison, m’ont fait un gros câlin, et m’ont invité à sonner la grosse cloche comme c’était ma première visite. Je me suis prêté au jeu bien sagement, avec un petit dédain amusé pour ces gentils hippy de la côte ouest.
Bref, je me suis bien fait avoir…
D’abord, c’est très clair, raconter Burning Man, ce n’est pas possible. J’ai écris autant que je pouvais ce que je ressentais pendant huit jours, mais je sais que j’en ai oublié énormément, et je connais la limite des mots. Il y a des sentiments, des sensations, qu’il n’est tout simplement pas possible d’exprimer. Repassons donc au travers de certains lieux communs :
– La drogue : comme il est dit dans le guide de survie Black Rock City, les organisateurs n’encouragent ni ne découragent l’usage de drogue. Toutefois, on reste dans l’état du Névada, où la loi s’applique, comme ailleurs. En théorie, donc, la drogue est interdite. En théorie également, la police se promène et surveille. En pratique, à part du pot (weed/beuh/herbe) je n’ai rien vu. Mais vu le genre d’environnement, il est très clair qu’on doit trouver toute sorte de produits. Personnellement, je n’en ai eut aucunement besoin.
– Le sexe : BRC est la ville où « tout est permis ». Donc évidemment, le sujet qui arrive juste après la drogue, c’est le sexe. Non, BRC n’est pas une partouze géante et permanente. Il paraît que l’on peut voir plein de choses en pas mal de place. Je n’ai pas cherché à voir quoi que ce soit, et je n’ai rien vu. Des monsieurs et des madames tout nus ? Oui, beaucoup. Plein. Le naturisme est en vogue à BRC, et n’a rien de plus dérangeant ou de plus choquant qu’ailleurs. Aussi bien les jeunes demoiselles de 20 ans que les « vieux » monsieurs de 50 pratiquent. C’est du « fait dont ce que vous voulez, on fait ce qu’on veut, pis tout le monde est heureux comme ça ».
– La musique : tout le temps, partout, sans arrêt. Musique en tout genre, venant de plein d’endroits différents. Pour attirer l’attention, pour le plaisir, ou pour danser. Musique souvent intense : Techno, Dubstep, et autres joyeusetés du genre. Côté musical, BM peut être vu comme une rave qui dure 8 jours, 24h sur 24. La ville est bruyante, festive, joyeuse. N’ayez pas le sommeil trop léger !
– La poussière : Black Rock est un désert de poussière. Pas de sable, de poussière. Encore plus fin, encore plus petit, encore plus étroit, qui vole pour un rien. Un coup de pied dans le sol, et c’est un magnifique nuage devant vous. Black Rock, c’est une vallée assez venteuse. Alors de la poussière, après quelques heures à peine, vous en aurez absolument partout, et n’envisagez même pas de vous en débarrasser. Ça ne servira à rien. Il y a des tempêtes de sable/poussière, des tonnes de mini tornades. Les masques et les gogle (lunettes protectrices) sont de mise.
– Les déguisements : je dirais que 85% des habitants de BRC sont déguisés. Du fait de l’omniprésence de la poussière et de la nécessité de s’en protéger, beaucoup de déguisements inclus masques et lunettes de protection. Le look « madmax » est donc pas mal à la mode. Sinon, on reste dans un milieu assez hippy, beaucoup de vêtements légers, pour se protéger du soleil. Le déguisement devient aussi une façon de se protéger, et de pouvoir jouer un autre rôle beaucoup plus facilement. Grâce aux costumes, les gens endossent plus facilement une personnalité Burning Man.
– la « gift économie » : comment est il possible de faire une ville complète, avec ses bars, ses lieux de divertissements, sans argent ? C’est possible, et ça marche. Je n’ai pas trop pratiqué cette partie là… pourtant, il y a énormément de place où l’on vous invite simplement à passer, et à prendre un verre. Vous arrivez avec votre coupe, on l’a remplit, et c’est tout. Les personnes qui prévoient offrir de l’alcool prévoie en conséquence, et quand y’en a plus, y’en a plus. Les gens se font des cadeaux entre eux, de façons relativement spontanées. Je me suis retrouvé à offrir des photos aux gens, imprimées, encadrées, ça a surpris, j’ai eut beaucoup de succès. Dans le camp où je restais, on distribuait des morceaux de melon d’eau (pastèques) à qui en voulait. On en proposait aux gens qui passaient dans la rue. Le plaisir d’offrir, et d’entamer la discussion après ça. Donner sans rien attendre en retour est un privilège magnifique.
– l’art : la création artistique est en effet absolument partout. L’esplanade (l’immense nomansland qui sépare “Man” du reste de la cité sert de lieu d’exposition. Les artistes sont invités à exposer leurs oeuvres après les avoir faites enregistrées. On en retrouve de toutes sortes, de tout les styles, de partout. L’Esplanade est un magnifique musée à ciel ouvert, à visiter, à revisiter, et à voir évoluer. Ça c’est pour l’art statique.
– les véhicules mutants : les véhicules mutants, c’est la partie « mouvantes » des créations artistiques. Le nom explique assez bien : il s’agit de véhicules qui ont été modifiés, transformés, créés. Du papillon géant à l’autobus déguisé en licornes ou en dragon, de la voiture directement sortie des pierres à feu au scooter/cupcake, on trouve absolument tout. Il est interdit aux voitures et autres véhicules de rouler dans BRC. Les véhicules mutants sont l’exceptions. Beaucoup des plus gros (tramway, autobus, etc…) font des circuits plus ou moins réguliers, et servent de transports en communs. Sans vraiment d’arrêts programmés. Une façon magnifique de découvrir la ville, donc, puisqu’elle vous amène d’un endroit à un autre, sans trop savoir où, quand, ni comment. Beaucoup de véhicules sont également des sortes de bars ou discothèques mobiles. Montez à bord, discutez, dansez, puis descendez quand vous voulez passer à autre chose.
– les vélos : moyen de transport par excellence dans BRC. La plus part des vélos ne sont pas attachés. Les gens roulent, les posent là où ils ont besoin d’aller, puis les récupèrent plus tard. Avec la masse de vélo, pour être sûr de les reconnaître, toutes les techniques sont bonnes pour les personnaliser. Les fleurs et autres décorations colorées ayant évidemment le plus la cote. C’est donc un joyeux bordel plein de vélos circulant dans tout les sens.
– le feu : c’est pour ça que je suis allé là bas en premier lieu. Je savais qu’à un moment, Man allait brûler, et je voulais voir ça. Mais ce n’est pas que ça… le feu est très clairement la thématique principale de BRC, et on le retrouve donc décliné sous toute forme d’utilisation. Les plus classiques étant les lance flammes sur les véhicules mutants, et les artistes de feux (poïs, bâtons, etc…) qui pratiquent un peu partout, tout le temps. Et puis il y a aussi ces installations artistiques, qui font appelle au feu, d’une façon ou d’une autre. Bref, une odeur mélange de propane et d’essence flotte en permanence sur BRC, mais on l’oublie rapidement.
– le bilan carbone ? Catastrophique. Mais pour des raisons artistiques, j’ai toujours considéré que l’on pouvait se permettre énormément.
Bon, c’est bien beau tout ça, mais Burning Man, c’est quoi exactement ? si j’ai pris le temps de détailler tout ça, c’est justement parce que Burning Man, c’est ça. Et c’est rien d’autre. La ville est créée par les habitants, les événements sont créés par les participants. À part la mise à feu de Man et du Temple, il n’y a pas vraiment de choses organisées. Mais chaque camp (regroupement de personnes, souvent des amis, s’installant à une même place sous un même thème) offre généralement des activités. Il y a un guide complet de tout ce qu’il est possible de faire. Bref… c’est simple : Burning Man, c’est exactement ce que vous voulez que ce soit. Ça peut être une saoulerie sans fin pendant 8 jours. Ça peut être une semaine sous l’extasie. Une semaine à danser. Une semaine à regarder des oeuvres d’arts. Une semaine à se promener, rencontrer des gens, discuter observer. Une semaine à méditer. À vous reposer. À vous déconnecter. À parler à des inconnus. Ça peut être spirituel, festif, gastronomique… il n’y a pas de limite. Et c’est aussi simple que ça. Je sais que quand je retournerais à BRC, je vivrais sans doute quelque chose de complètement différent, car dans un état d’esprit complètement différent. Mais en même temps, je serais exactement à la même place, dans le même genre d’ambiance, avec le même genre de monde. C’est moi qui ferait de mon prochain Burning Man ce que j’ai envie qu’il soit.
Et on brûle qui, quoi et quand ?
L’attraction principale, évidemment, c’est « Man », le samedi soir. Sa combustion est un moment extrêmement festif et joyeux. Les gens sont là pour s’amuser, faire la fête, danser. Bref, c’est une explosion de joie de vivre.
Pourtant, ce n’est pas ce qui m’a le plus marqué. Le plus intense, c’est définitivement le temple, dont la mise à feu se fait dans un silence quasi complet le dimanche soir. Moment de recueillement, façon de vivre un deuil pour beaucoup, et de dire au revoir à la Playa. Moment extrêmement spirituel, à côté duquel il est difficile de passer.
En bonus, on a eut Metropolis, le vendredi soir. Un spectacle relativement semblable à la Fallah de Montréal. C’est beau, c’est joyeux, ça brûle partout, c’est impressionnant.
Et puis tout brûle, partout, tout le temps. Entre les artistes de feu, les véhicules avec leurs lances flammes, et les oeuvres d’art qui projettent des flammes dans tout les sens, il ne faut pas avoir peur de se brûler !
Et l’apocalypse ?
C’est l’un des sentiments qui m’a le plus marqué à Black Rock City. Évidemment, les lieux et l’accoutrement des gens y sont pour beaucoup. Cette ambiance tout droit sortie de Mad Max et Waterworld laisse définitivement imaginer le pire. Pour beaucoup, c’est aussi le côté « on se débrouille avec ce qu’on a ». Car à Burning Man, il n’y a pas de magasins. Alors on bricole, on troc, on échange, et ça, sans aucun doute, donne un côté post catastrophique à la chose. Enfin, il y a le côté festif ; cette envie de célébrer, dans la joie et la bonne humeur. Bref, tout cela me rassure énormément, en me donnant l’impression que si l’apocalypse devait arriver, le monde se transformerait en un Burning Man géant et perpétuel : plus rien n’a d’importance, juste les gens. On célèbre le fait d’être en vie, on se débrouille avec ce que l’on a. Étrangement, dans un contexte où l’on peut se poser des questions sur l’avenir de la planète, il y a presque un côté rassurant à se dire « oui, la fin du monde ça pourrait être ça ». Non, je ne souhaite pas vivre dans un désert perpétuel. Mais je suis convaincu que si le pire arrivait, les humains comprendraient enfin que le plus important, c’est de célébrer la vie est d’être heureux. De vivre, tout simplement. Pas de travailler, pas d’acheter, pas d’avoir plus de possessions que son voisin. Ni une plus grosse voiture. Pas besoin d’acheter, vu que l’on peut échanger, donner, demander. C’est ainsi que mon optimisme sans faille envisage de transformer une éventuelle catastrophe. Mon grand regret, dans tout ça, c’est ce sentiment qu’il faut une catastrophe pour que les gens le réalisent. Pourquoi ne pourrait on pas comprendre, aussi simplement que ça, que la vie est belle, et qu’il faut en profiter, arrêter de se prendre la tête sur tant de choses superficielles et ridicules que nous « imposent » le capitalisme ? Oui, Burning Man c’est un peu une communauté anarchiste qui dure une semaine. Pas une vraie communauté, évidemment ; entre autre parce qu’elle n’est pas du tout autarcique, et pas du tout viable sur du long terme. Mais en même temps, il n’y aurait pas tant de choses à changer pour que ça le devienne. Un exemple simple bête et concret ? Les villes sont sales, les gens ne font pas attention, jettent leurs papiers gras partout. Black Rock City est propre, parce que les gens sont conscient, font attentions, et se surveillent. Ce n’est pas plus dur ou plus facile qu’ailleurs. C’est simplement une conscientisation qui en vaut la peine. Conscientisation qui, malheureusement, est bien vite oublié une fois que l’on quitte Burning Man. Et ça, ça reste le plus regrettable, le plus dommage.
Et les effets secondaires ?
Je suis resté moi même, confronté à un modèle de société idéale à laquelle j’aspire. Non pas orienté sur le travail et le surpassement, mais sur le plaisir et la vie au quotidien. Sur l’échange, le partage, et la rencontre. À ce niveau là, Burning Man ne m’a rien appris ; juste prouvé que ce monde idéal à laquelle j’aspire peut exister. Comme je le disais plus haut, juste une semaine par an, mais il ne faudrait pas grand chose pour étendre sa longévité. Pour faire de Black Rock City un lieu semi-permanent. Après tout, les communautés anarchistes existent, et ont prouvé qu’elles sont viables. Non, Black Rock City n’est pas une ville anarchiste, mais c’est pourtant quelque chose qui s’en rapproche, au niveau des idéaux, des approches, et de tout le reste. Donc non, je ne ressors pas de là complètement bouleversé et changé. Juste un peu plus convaincu que j’ai raison, que tout est possible. J’ai trouvé un endroit où être moi même à 100% est juste exactement parfait. Même à Montréal, je n’ai jamais connu ce sentiment de pleinitude, de ne pas avoir à me poser la moindre question. À agir, tout simplement. Alors oui, évidemment, maintenant j’aspire à revenir à Black Rock City. Et la prochaine fois que je franchirais les portes (l’année prochaine ?) quand les hippy rigolos me diront « welcome home », je les remercierais. Mon sourire sera sincère, tout comme mon câlin, et la joie qui gonflera mon coeur.
Et en conclusion ?
J’ai à quelques reprises comparés Vegas et Black Rock City. La principale différence entre les deux : « What happend in Vegas stay in Vegas… but what happend in Black Rock City must travel the world. »
Un dernier lot d’images en vracs
Et qui vous aideront à comprendre (entre autre) ce qu’est un véhicule mutant.
Gerlach, Empire, et l’aire de repos
Évidemment, il y a pas mal de trafic, mais ça roule quand même bien. Je remercie Pourqoui Pas ? pour son incroyable fiabilité. J’ai eut l’occasion de remarquer un certains nombre de véhicules en panne depuis que j’ai quitté le campement. Panne de batteries, bris mécaniques, etc… beaucoup de véhicules sont arrêtés, et n’iront sans doute pas plus loin avant un moment. La logistique qui entoure l’événement est tout simplement incroyable. J’imagine donc les hordes de dépanneuses prêtes à intervenir… mais même là, ça prendra sans doute un certains temps quand même !
Et puis on traverse la petite ville de Gerlach et ses 300 habitants. La petite communauté qui voit passer 50000 personnes dans un sens puis dans l’autre en une semaine. Pour vivre dans ce genre d’endroits, il faut être passionné par la solitude, le vide et le rien il me semble. Voir autant de monde, ça doit quand même être un choc… en même temps, au niveau de l’économie locale, ça paraît plus qu’énormément. L’incidence de Burning Man est majeure. D’ailleurs, j’imagine que les habitants de Gerlach ne dormiront pas cette nuit. Pas seulement à cause du bruit : ils sont nombreux à avoir installé des stands, pour distribuer boissons fraiches, thé, café, chocolats chaud… je ne m’arrêterais pas : je n’ai pas beaucoup de route à faire de mon côté, besoin de rien pour me garder éveillé, même si je suis fatigué et que j’ai mal aux yeux. Je m’arrêterais juste pour me débarasser du recyclage en cours de route : il y a un centre de tri qui est ouvert 24h pendant l’exodus final. Le ramassage du recyclage est gratuit. Il faut payer 3$ par sac poubelle. Je trouve ça correct, je laisse donc mes deux sacs poubelles ici. J’aurais participé, un peu, moi aussi, à l’économie locale, chose que je trouve importante, même si ce n’est que symbolique. Et puis j’ai vraiment envie d’encourager l’initiative. J’aurais très bien pu me débarasser de tout ça plus loin et gratuitement. En même temps, est-ce que je suis vraiment à 6$ prêt ? Non, pas pour ça.
Je finis par rejoindre l’autoroute. L’air de repos arrive juste après. Il y a même une connexion internet. Parfait. Je peux rassurer tout le monde : j’ai pris un coup de vieux, mais je suis encore en vie. Et puis sur ce, il me semble qu’il est temps pour moi d’aller dormir.
Et puis finalement
J’ai oublié toute forme de stress, je n’ai plus la moindre urgence. J’avance tranquillement quand je peux avancer, je lis quand je ne peux plus avancer. Et puis finalement, après un peu plus de trois heures, je quitte la playa ; je quitte la poussière pour une route en asphalte. Ça me manque déjà. Je ressens un vide plus fort que ce que j’aurais pensé. Pourquoi Pas ? roule tranquillement. Il semble content, lui, de reprendre la route. C’est toujours ça !
L’esprit de Burning Man
À un moment, alors que je suis perdu dans mon livre, on frappe à ma fenêtre. Une fille me sourit, me fait signe d’ouvrir la fenêtre. Je l’ouvre à moitié. « Encore ». Je l’ouvre complètement. « Tourne toi et montre moi ta tête ». J’obéis bien sagement. J’ai l’habitude de toujours obéir sagement aux demandes raisonnables des charmantes demoiselles. Je sens qu’elle commence alors à me faire un massage du cuir chevelu ; sans doute avec ces petits bestiaux en métal avec plein de pattes dans tout les sens. Un vrai moment de bonheur. Ça me détend plus que je ne l’aurais pensé. Ça me fait un bien fou. Et puis elle me souffle doucement « safe trip home » à l’oreille, avant de partir. Sa voix est douce, agréable ; après ce petit moment de bonheur, elle vient me toucher au plus profond de mon âme. On serait dans un film, j’imagine que je lui aurais couru après, pour la demander en mariage. Mais là, on est à Burning Man ; j’ai simplement eut une apparition. Un esprit qui sera venu m’offrir un moment si doux et si intense que je ne pourrais pas l’oublier… C’est ça aussi, les cadeaux spontanés…
De retour dans les embouteillages
Il est cinq heures quand je me décide finalement à partir, le coeur lourd. Dans mon innocence, je suis persuadé que j’en aurais pour une petite heure pour quitter la ville ; après tout, ça semble bien rouler. Plus une heure et demi de route pour Réno et encore une bonne demi heure après. Je m’imagine donc déjà me plonger dans les eaux chaudes du lac Tahoe ce soir. Je savoure mon bonheur par anticipation.
Après deux heures d’embouteillage, je comprends bien que mon bain devra attendre quelque peu. Ça avance un peu, mais pas très vite. Cette fois, ils font du « pulsing » : ils bloquent les véhicules pendant un moment, avant de laisser avancer pendant quelques temps. Ça permet d’éviter de laisser tourner les moteurs. C’est toujours ça ! Je lis tranquillement, regrettant d’être parti si tôt. Je me dis qu’à la limite j’aurais pu rester une nuit de plus à Black Rock City. Mais en même temps, pas sûr que j’en avais le droit. Enfin… je me raisonne, me dis que c’est loin d’être bien grave. Je regarde l’Atlas : j’aurais une aire de repos juste après avoir rejoint l’autoroute. C’est parfait.