Burning Man commence dans une semaine. J’ai décrété que pour moi, le voyage commençait aujourd’hui. C’est au milieu de ce paysage aussi grandiose, au milieu de nul part, à 22 kilomètres de la voiture, que je commence mon exode personnel vers Black Rock City.
[Burning Man]
J-7
Burning Man – je me répète – c’est 50000 personnes. J’ai du mal à me représenter ce que ça veut dire. C’est à la fois beaucoup, et pas beaucoup. J’ai déjà vu plus de 100000 personnes dans le centre ville de Montréal pour des concerts après tout… mais là, c’est une ville qui va se construire pour une semaine. Une ville de 50000 personnes, j’ai également du mal à me le représenter. Ça veut très probablement dire dans les 20000 ou 25000 voitures qui se déplacent vers le site. C’est ce qui s’appelle « l’exode ».
Il y a trois façons d’arriver à Black Rock City. Par l’est ou par le sud ouest (les deux routes se rejoignent dans le coin de Réno) ou par le nord, par où j’arrive. Dans ce cas, la jonction se fait à Gerlach-Empire. Petite ville micronuscule au milieu de nul part, qui voit pourtant 50000 personnes passer dans un sens, puis dans l’autre. Le guide de survit de Burning Man insiste énormément sur l’importance de ne pas incommoder ces petites communautés. Imaginez 50000 personnes essayant de faire le plein d’eau… ou ces mêmes personnes décidant de jeter toutes leurs poubelles au même endroit… pour la survie de l’événement, il est demandé à de nombreuses reprises de faire le plein d’eau le plus loin et le plus tôt possible, et de ramener ses poubelles le plus loin et le plus tard possible. En fait, l’organisation de Burning Man mise énormément sur le respect de l’environnement et le « ne laissez aucune trace ». J’ai très hâte de voir comment tout cela va se passer…
Toujours est il, donc, qu’il y a un certains nombre de milliers de voitures qui convergent vers un même point. Quand je me fais doubler par un van avec le logo de Burning Man à l’arrière, je peux pas m’empêcher de faire un appel de phare. Avant de me dire que je pourrais faire pareil. Je profite donc de ma pause aux chutes pour me bricoler très rapidement un mini symbole Burning Man : un X avec un rond (pour la tête) entre les branches supérieures. À partir du moment où Pourquoi Pas ? se retrouve identifier comme véhicule allant à Burning Man, j’ai le droit à un certains nombre d’appels de phares, de klaxonnes, et autres salutations des nombreux véhicules qui me double. Ce qui me permet de prendre un peu plus conscience de l’ampleur de cet exode. Mais là encore, ce n’est qu’un minuscule petit aperçu…
Ce soir, je dors à Black Rock City !
Je me réveille tout naturellement, après une nuit magnifiquement calme. À ce que j’ai compris, il faut que je l’apprécie, et que j’en profite. C’était la dernière nuit silencieuse avant bien longtemps ! Enfin… rien qu’une semaine, en fait, c’est pas si pire !
Je prends mon temps pour me lever. Je ne suis pas vraiment pressé en fait. Je regarde par la fenêtre, et j’ai confirmation de mon impression de la veille : je me suis installé dans un coin vraiment sympa.
Je réessaie de partir le frigo au propane, mais il ne veut toujours pas marcher. Bon, j’ai toujours l’électricité, c’est déjà ça. Juste aucune idée de combien de temps d’autonomie je vais avoir. Enfin… on verra bien !
Je suis assez rapidement prêt à prendre la route, sous un beau ciel bleu, légèrement teinté de blanc. La route est tranquille ; il n’y a pas grand monde. En fait, je pense que la plus part des gens arrivent depuis le sud. Les nordistes comme moi sont beaucoup plus rares. Je continue de me faire dépasser par des voitures qui vont très clairement au burning man, mais il n’y en a pas tant que ça. Par contre, 80% des voitures qui me dépassent ont la « signature » Burning Man : des vélos décorés accrochés à l’arrière.
Après quelques temps, j’arrive finalement à Alturas. Alturas, c’est précisé, c’est le dernier point de ravitaillement avant Black Rock City. Il reste encore 160 kilomètres à faire. Donc dans ce temps là, on est mieux de ne rien oublier ! En même temps, vu tout ce que j’ai acheté, j’ai du mal à imaginer de quoi je pourrais bien manquer ! Enfin si, c’est assez évident : je fais un plein d’essence, histoire d’être sûr de pouvoir assumer les prochains 350 kilomètres pas de plein.
Et puis je craque. À force de voir tout ces gens avec leurs vélos sur leur voiture, à force d’entendre répéter qu’il fallait absolument un vélo, je me décide. Il y a un genre de débarras juste à côté de la station service où je me suis arrêté. 50$ pour un vélo usagé, ça me convient parfaitement. Le vélo a l’air en bon état, il remplira parfaitement le rôle que j’attends de lui. Et puis qui sait, je le ramènerais peut être jusqu’à Montréal ?
Alturas, c’est quand même assez grand comme ville, donc le flot de gens paraît, mais ne doit pas trop perturber l’économie locale, si ce n’est positivement, en boostant les ventes de toutes sortes. Je suis impressionné par la quantité de véhicules arrêtés. Là encore, le doute n’est que très rarement permis. Les véhicules qui vont au Burning Man sont facilement identifiables !
Le désert
Et la convergence.
On arrive finalement à Gerlach, où l’on retrouve les personnes arrivant du sud. J’ai confirmation de ce que je pensais, le flot est beaucoup plus impressionnant ! En fait, j’avais l’impression que Burning Man, même si ça se passe au Nevada, est un événement très californien. D’ailleurs, le « bureau chef » (je sais pas trop comment ça fonctionne, en fait, la hiérarchie, la structure, tout ça tout ça) est à San Francisco. Et plus de la moitié des plaques d’immatriculation sont californiennes. Vient ensuite le Nevada, puis l’Oregon. Ensuite, un peu tout et n’importe quoi.
Tout ce petit monde converge, dans la même direction. Et je fais parti de cette convergence. J’ai toujours aimé les mouvements de foule. Le premier auquel je pense toujours, c’est les feux d’artifice, les samedis soirs d’été, à Montréal. Des dizaines de milliers de personnes, qui s’en vont admirer les feux… j’aime faire parti de ce genre de mouvement, de ce genre de regroupement. Je revendique mon unicité, je revendique mon originalité, mais en même temps, je revendique de faire parti de cette masse. Je revendique d’avoir les mêmes goûts et aspiration que les autres humains de cette terre. J’ai besoin de sentir que je ne suis pas seul, et que je partage avec les autres. Je ne comprends pas les gens qui s’exilent, ou qui vivent en ermite. Je n’aime pas la solitude, et je l’assume parfaitement. Pourquoi vouloir vivre seul alors qu’il y a plus de six milliards d’humains qui nous entourent ? Pourquoi rejeter les autres, alors qu’on en fait parti ? Tant de rencontres possibles ! Comme le dit le proverbe « il n’y a pas d’inconnus, que des amis que l’on n’a pas encore rencontré ».
Me retrouver parti prenante d’un tel mouvement me plaît. Je me retrouve dans un ensemble, dans un groupe, dans une communauté. C’est un repère, qui peut aider à me reconnaître, le cas éventuel. On peut me cataloguer sous l’étiquette « Burning Man 2010 ». Évidemment, à partir de ce moment là, les gens vont avoir énormément d’idées préconçues, sur qui je suis, ce que je suis, et ce que j’aurais fait à l’un des événements les plus fous de l’Amérique du Nord. Je compte sur eux pour avoir la même approche que moi sur les préjugés : vivre avec, mais ne pas se laisser submerger par eux. Parce que je sais déjà qu’il y a beaucoup de « clichés Burning Man » dans les quels je rentrerais pas. Le principal ? Je viens ici pour être moi, à 100%. Pas pour jouer un rôle. Pas pour sortir ou inventer ma personnalité Burning Man. Juste pour confronter Ma personnalité à quelque chose de nouveau. Et j’avoue que j’ai l’impression que c’est ce qui va me gêner le plus ici : pendant une semaine, tout le monde se déguise, se place dans un rôle « Burning Man ». Tout le monde vit dans une communauté, animé par le désir de partager, d’échanger, de donner. De créer. Le problème, c’est que j’ai l’impression que la plus part de ces gens, dans une semaine, vont avoir oublié tout ça. Vont retourner à une vie normale, sans réfléchir à tout cela, à tout ce que cela représente. Comme si rien n’était arrivé. Il y a pourtant de nombreuses choses à apprendre, tant de façons d’évoluer. Hélas, j’ai l’impression que ça ne reste pas. Qu’une fois les costumes et les déguisements enlevés, il n’y a plus rien. Enfin… on verra bien !
Au milieu du désert.
C’est comme dans les films. Vous savez, dans les westerns, quand la cavalerie arrive au loin. On voit le nuage de fumée qui se profile à l’horizon. Ça ne paraît, hélas, pas vraiment sur la photo. Mais tranquillement pas vite, on se rapproche, on distingue, on comprend. Jusqu’à ce que l’on se retrouve vraiment à […]
C’est comme dans les films. Vous savez, dans les westerns, quand la cavalerie arrive au loin. On voit le nuage de fumée qui se profile à l’horizon.
Ça ne paraît, hélas, pas vraiment sur la photo. Mais tranquillement pas vite, on se rapproche, on distingue, on comprend.
Jusqu’à ce que l’on se retrouve vraiment à l’intérieur.
Ensuite, et bien commence l’attente. Au moindre souffle de vent, on ne voit plus rien à cause de toute la fumée soulevée par les véhicules. Puis ça retombe, on revoit un peu, et ça redisparait. J’étais préparé à attendre… peut être pas aussi longtemps. Je passerais un bon trois heures et demi à avancer au plus que ralenti, avant de finalement pouvoir présenter mon ticket et rentrer pour de vrai dans la ville.
C’est juste un petit morceau de papier.