Sarah m’invite à entrer et sortir librement de la maison, à utiliser ce dont j’ai besoin comme je veux. Comme je lui dis, elle connaît le van, elle sait que la seule chose que je n’ai pas, c’est une salle de bain. Je vais donc prendre une douche, qui me fait un bien fou. La douche n’en est que meilleure qu’elle m’a été proposé et offerte spontanément. Je sais que Sarah me l’a proposé tout à fait naturellement. Je sais qu’elle n’attend rien en échange. Je n’ai pas prévu de lui donner quoi que ce soit en échange.
Ça peut paraître raide comme affirmation. En fait, je trouve la coïncidence assez amusante. L’un des principes fondamentaux à Burning Man est le concept de « cadeaux ». C’est une communauté où il n’y a pas d’argent. Juste des cadeaux ou des échanges. J’aime énormément le principe. Et puis il y a deux jours, j’ai vu une vidéo sur les cadeaux à Burning Man. Un gars explique tranquillement que le but du jeu n’est pas d’arriver avec plein de gadgets à offrir à tout le monde. Le but est de donner si on a envie de donner ; de faire des cadeaux naturellement, parce que l’on en a envie. On voit quelqu’un, on pense que l’on a quelque chose pour cette personne, et on lui donne. L’important, c’est que ça vienne du coeur. Et puis un cadeau n’est pas nécessairement matériel. Ça peut être un sourire, un câlin, un service. Comme il le dit, le plus difficile, en réalité, c’est d’apprendre à recevoir un cadeau. Beaucoup de personnes, quand on leur donne de quoi, on le réflexe de répondre « désolé, je n’ai rien à te donner en échange ». Comme il l’explique, c’est une énorme erreur : quand on fait un cadeau, il ne faut rien attendre en retour. Donner en échange, c’est enlever de la valeur au cadeau. C’est tenter de marchander, troquer, ce que l’on vient d’obtenir. Simplement accepter, sourire, et remercier, c’est la plus belle façon d’accepter un cadeau. Je ne peux qu’être d’accord avec lui. Et je ne peux que confirmer encore plus quand il explique que faire un cadeau est un plaisir égoïste. On se fait plaisir grâce au plaisir que l’autre ressent. Je me souviens avoir tenté d’expliquer ça, il y a bien longtemps. Il y a une dizaine d’années, en fait, quand j’étais encore grenoblois. J’expliquais que ma générosité n’était qu’un égoïsme caché. Que j’aimais inviter les gens à manger chez moi, parce que ça me faisait plaisir de les voir heureux. C’est extrêmement valorisant et bon pour l’égo de pouvoir se dire « mes amis sont heureux grâce à moi ». Je continue à faire beaucoup de cadeaux aujourd’hui, exactement pour la même raison. Et chaque fois que l’on me dit « tu ne devrais pas » ou « mais moi je ne te fais pas autant de cadeaux », ça me fait un peu mal. Parce que tout ce que je demande, c’est que l’on me laisse me faire plaisir en offrant des choses.
Et pour une fois, ce n’est pas moi qui offre. C’est moi qui reçoit. Alors pour l’occasion, je reçois avec un immense sourire, remercie, et ne dit rien de plus.