Bonne fête Danielle !
Imaginez deux immenses montagnes, avec entre les deux un immense désert tout plat, tout sec. Je suis sûr que vous imaginez le potentiel éolien de la chose. Nous, on passe la nuit en plein milieu de ce corridor. Si pendant Burning Man j’ai eut le droit à quelques belles rafales, et à une jolie tempête de sable, je n’avais pas eut le droit à des vents d’une telle violence. C’est tout simplement impressionnant. Et, au bout d’un moment, inquiétant. Non, je n’ai pas vraiment peur que le van s’envole, même avec le toit ouvert. Il dépasse la tonne et demi avec tout ce qu’il y a dedans. Non, l’inquiétude est au niveau de ma vitre arrière, qui consiste en une nappe en plastique orange à 3$ au Wallmart, et un rouleau de ducktape. Ok, c’est solide le ducktape, mais quand même… c’est surtout que ça fait « flap flap flap » dans le vent depuis un bon moment. Et j’imagine perdre la vitre arrière, en plein désert, froid, de nuit, dans une tempête de sable. Ça pourrait rentrer dans la liste des expériences pas forcément positives. Et c’est sans compter le bruit de ce flap flap… bref, une raison de plus pour pas être content de ne plus avoir une vitre arrière en bon état ! Il y a quelques accalmies au niveau du vent, qui me permettent quand même de dormir un peu, mais je trouve que ça devient lassant de cumuler les mauvaises nuits… quand la pluie, à son tour, commence à tomber, je commence vraiment à le prendre mal. L’idée d’être enlisé au milieu du désert de Black Rock ne me tente pas vraiment non plus. J’aime bien le désert de Black Rock, mais bon, quand même… il pourrait faire un effort !
Et puis au final, on survit ! Oui, ça tombe raide, un peu, comme conclusion, après un suspens si insoutenable, mais que voulez vous… s’il est tombé quelques gouttes, le sol est tellement sec que ça ne paraît quasiment pas. Et mon bricolage à base de nappe et scotch est d’une solidité à toutes épreuves. Tant mieux ! Mais du fait de l’instabilité météo, la première chose qu’on fera au réveil, c’est de revenir plus prêt de la route. Là, je pourrais préparer un petit déjeuner anniversaire à Danielle. Je ne réalise qu’au moment de le faire mais si on considère que l’on s’est rencontré il y a tout juste deux semaines à un événement Burning Man, et que je lui ai fait des crêpes le lendemain matin, fêter son anniversaire avec des crêpes au petit déjeuner, sur la playa, semble parfaitement logique ! Évidemment, c’est moins sophistiqué. On fait avec les moyens du bord. Mais crêpes au brie, et crêpes au Nutella, ça marche toujours autant !
La pluie semble ne plus être au programme. Si le ciel ne se dégage pas, il est quand même moins menaçant. Et j’avais quand même envie de faire une vidéo de Danielle, en train de chanter au milieu du désert. Elle a quand même une chanson qui s’intitule « Thristy Fish » (poisson assoiffée) ; l’endroit semble se prêter à merveille à l’enregistrement d’un magnifique clip ! Évidemment, pour des raisons techniques, ça prendra un moment avant de voir le résultat final, mais il devrait y avoir de quoi d’intéressant à faire.
Comme on est là, on décide d’en profiter pour aller voir comment c’est de l’autre bord de la playa. L’autre bord de la playa, il est loin. C’est l’une des choses fascinantes dans le désert. Avec aucun point de repère, pas moyen d’estimer les distances. La traversée nous occupe un moment. Par contre, conduire dans ce genre d’endroit est un vrai bonheur. C’est plat, c’est infini. On peut tourner, avancer, reculer, aller où on veut, comme on veut. L’expérience est des plus amusantes. Qu’est-ce que l’on trouve de l’autre côté de la playa ? Un train !
Le chemin du retour, la playa dans le sens de la largeur mais dans l’autre sens, je le ferais assis sur le fauteuil du passager. Parce que tiens, pour une fois que j’ai une occasion de ne pas conduire ! Danielle deviendra donc la deuxième personne à avoir conduit le Pourquoi Pas ? depuis mon départ de Montréal !
De retour sur la route, on dit au-revoir à Black Rock Desert, puis à Gerlach et Empire, alors que l’on prend la route du sud, qui doit nous emmener vers de nouvelles aventures. C’est sympa de pouvoir refaire le même chemin qu’au moment de quitter Burning Man, mais cette fois-ci en voyant le paysage ! On fera quelques pauses, brèves, notamment pour admirer le lac Pyramide, mais sinon, on rejoindra rapidement la 50, avec qui on fera plus ou moins de kilomètres. L’itinéraire exact peut encore varier.
À partir de là, la route perd soudainement tout intérêt. Il fait gris, il pleut un peu, il pleut beaucoup, il n’y a pas grand chose à voir, sinon un grand désert plat. À priori, il y a aussi des jolies montagnes, mais on les perd la plupart du temps.
On discute un moment avec Danielle de la stratégie à adopter. Je suis d’humeur à rouler ; vue la météo, vu le paysage, qu’il fasse jour ou pas ne changera pas grand chose. Une longue étape aujourd’hui, manger du kilomètre pendant la nuit, nous donnera un peu plus de temps après, pour un paysage possiblement beaucoup plus intéressant. J’hésite encore un peu, je remets la décision en question une ou deux fois, mais des vérifications météo me confirment qu’à priori, on fait le bon choix. On prend donc la route la plus courte, et la plus rapide. Autre petit détail qui me motive à aller vite : les prévisions sont à la neige. Oui, j’ai arrêté de comprendre. Il pleut à verse, il va bientôt neiger, il faut que je révise ma vision du désert. Toute à la fin de la traversée, on a un col à 2500 mètres à traverser. Le van n’a pas de pneus neiges, autant éviter d’être pris dans une tempête de neige.
On perd au niveau paysage, on gagne par contre une expérience des plus intéressantes : la traversée du Nevada, de nuit, sous la pluie, par temps de brouillard, en écoutant la musique d’un film de zombies, histoire d’être bien dans l’ambiance. Comme je l’explique à Danielle, si jamais je vois une silhouette sur le bord de la route, les bras écartés, dans le doute, je l’écrase ! Mais bon, finalement il ne se passera rien de tel, pas de rencontre surnaturelle. On mange kilomètre après kilomètre. Ou plutôt je mange, pendant que Danielle se repose bien confortablement. Il y a quand même des injustices dans le monde du road trip !
Aujourd’hui, on a changé d’heure. Entre la pluie, le brouillard et le changement d’heure, il fait nuit noire un peu avant 17h. En même temps, ça renforce l’impression d’aventure. Quand on traverse la ville d’Eureka, je suis persuadé qu’il est trois heures du matin. Même chose rendu à Ely… et pourtant, après vérification, il est seulement 23 heures.
J’ai une hésitation à Ely. Le col à 2500 n’est plus très loin. Il y a une aire de repos juste avant, et une pas mal plus loin, qui implique une heure de route en plus, ce qui commence à faire tard. On pourrait aussi, tout simplement, passer la nuit à Ely, dans un parking. J’hésite, et puis je me dis que peut être l’aire de repos sera une bonne solution. À peine sorti de la ville, je me dis que c’est peut être une erreur, mais bon, maintenant qu’on est sur la route, essayons voir.
En fait, je ne me sens pas très « safe » ce soir. Je ne suis pas sûr de vouloir dormir n’importe où dans le Nevada. L’aire de repos, ou un endroit avec d’autres gens, me plairaient quand même plus. Surtout que peu de temps après être sorti de la ville, le panneau « veuillez dénoncer les personnes tirant depuis la route » n’est pas pour me rassurer. Au loin, je vois une zone plutôt bien éclairée. Ça correspond plus ou moins avec l’emplacement de l’aire de repos sur la carte. J’anticipe avec enthousiasme un endroit civilisé, plein de routiers, plein de vie, où l’on pourra dormir sans se poser de questions. Le panneau « zone de prison, autostop interdit » puis « pénitencier d’état prochaine à droite » me laisse imaginer que finalement, mon aire de repos n’est pas idéale. D’ailleurs, cette aire de repos, je la verrais jamais.
Par contre, je vois le panneau « National Forest », tout comme je vois le petit chemin un peu après. Je m’y engage. C’est un peu scabreux, mais ça passe quand même. Je tourne en rond dans les arbres, trouve un endroit plat. On parque le van, le passe en mode nuit. J’ai un très mauvais feeling. Déjà, la porte latérale ne ferme plus à clé, et je prends ça comme un mauvais pressentiment. Ensuite, on a roulé « juste » 15 kilomètres depuis la prison. Oui, on est rendu loin, mais je sais pas… y a un côté pas rassurant. Quand au petit chemin où on est, si jamais il neige cette nuit, c’est possible que l’on ne ressorte pas le van avant 2011, ce qui pourrait être gênant… alors finalement, avec tout ces sentiments négatifs, je préfère faire demi tour. C’est bête, je sais, mais je me sentirais mieux.
On revient donc 30 kilomètres en arrière, jusqu’à Ely. À l’entrée de la ville, il y a une halte routière. Je me gare bien confortablement à côté d’un camion Wallmart. Voilà… ça, il me semble, c’est beaucoup plus rassurant. Je me couche, fatigué, un peu plus de 600 kilomètres dans les jambes. Je m’endormirais sans problème, et rapidement.
J’ai passé le 20000e kilomètre depuis que j’ai quitté Montréal, un peu après Black Rock Desert.
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