Je m’arrêterais quand même à un moment, au milieu de nul part (il n’y a que ça par ici de toutes façons) pour célébrer le 5000e kilomètre depuis le début de mon voyage. En fait, les kilomètres s’accumulent vraiment très rapidement depuis que j’ai quitté Chicago.
Je m’arrêterais quand même à un moment, au milieu de nul part (il n’y a que ça par ici de toutes façons) pour célébrer le 5000e kilomètre depuis le début de mon voyage. En fait, les kilomètres s’accumulent vraiment très rapidement depuis que j’ai quitté Chicago.
Spéciale dédicace à tout les amateurs de Scrabble !
On se fait un petit gruau histoire d’avoir le ventre un peu rempli. C’est définitivement pas mon truc. Vivement que la boîte soit finie et que je trouve autre chose pour remplacer ! Le pain perdu, ça c’est du vrai déjeuner !
Pourquoi Pas ? démarre toujours au quart de tour. Comme presque chaque fois, je me dis qu’il faudra que je me décide à enregistrer le son du moteur. Pour moi, c’est devenu un son extrêmement symbolique !
On embarque sur la route pour aller voir Takakkaw Falls. Encore un nom pas mal winner au scrabble ! Un panneau au début de la route indique qu’il est interdit d’aller plus loin avec une caravane. On comprendra plus tard un peu pourquoi. Les routes en lacets sont extrêmement rares au Canada, même dans les Rocheuses. Pourtant, pour une fois, ils ont mis quatre lacets à la suite. Il y a même un panneau explicatif au début pour nous expliquer de quoi il s’agit ! Ça monte raide ; Pourquoi Pas ? est complètement indifférent. Il grimpe ça sans la moindre inquiétude, sans s’essouffler. Les anciens propriétaires m’avaient rassuré en disant qu’il avait un bon moteur. J’en ai déjà eut la preuve à plusieurs reprises.
Cette fois avec le mode d’emploi
On arrive tout les deux pas mal fatigués à la voiture. Je suis un peu inquiet, vu que le lendemain, je suis sensé faire une longue randonnée avec Liz et une amie à elle. Virginie, de son côté, n’est pas tout à fait sûre. Elle verra le lendemain. On remonte dans le van, direction Banff. On retourne faire les lacets. À la deuxième reprise, je comprends qu’en fait le panneau signifie que les véhicules de 7 mètres et plus doivent faire le milieu en marche arrière. Ils n’ont pas la place nécessaire pour un demi tour ! Moi je fais moins de 7 mètres. J’ai la place. Pourtant, j’évalue un tout petit peu mal la longueur de Pourquoi Pas ? qui hérite d’une petite grafigne sur le pare choc avant droit. Heureusement, il ne semble pas trop m’en tenir rigueur.
Et un chauffage de frein en prime.
On peut ensuite enchaîner sur l’immense descente vers Pimberton. Pentes raides, entre 7 et 13%, sur plus d’une dizaine de kilomètres, avec des vraies épingles à cheveux à nouveau. Le frein moteur de Pourquoi Pas ? fait ce qu’il peut, mais il y a des limites à ce qu’on peut lui demander. Alors le frein à pied fonctionne aussi. Beaucoup. Trop ? Peut être… difficile à dire si c’est psychologique ou pas, mais j’ai l’impression que vers la fin, ils sont quand même pas mal moins efficace. Ça freine toujours, mais sans doute un peu plus lentement. Dans le doute, je bloque Pourquoi Pas ? en première pour les deux derniers lacets. La voiture en arrière s’impatiente sans doute un peu, tant pis pour elle. Arrivée en bas, on laisse un cinq minutes de repos bien mérité au van.
et même après.
Juste après les chutes, on franchit un col. À partir de là, la route devient plutôt inintéressante. En fait, c’est un immense plateau, dans les 1000 mètres d’altitude. Ça avance tout droit, pendant longtemps. Je dois faire 4 virages en 30 ou 40 kilomètres. Certes, j’ai l’habitude avec les prairies, et puis là, au moins, il y a des arbres, mais quand même ! Je me serais attendu à un peu mieux. Enfin… au moins, ça à le mérite d’avancer vite. Après tout, j’ai pas loin de dix heures de route à faire sur deux jours, et j’ai commencé à rouler pas mal plus tard que prévu aujourd’hui.
J’avais dans l’idée de m’arrêter à Klamath Falls. Aucun rapport avec la présence de deux brasseries à cet endroit… mais finalement, juste au moment d’arriver, l’envie de bières me passe. J’ai juste envie d’avancer encore un peu. En principe, je repasserais par ici plus tard. Je prendrais ma bière à ce moment là, quand j’aurais plus le temps.
Du coup, je continue sans m’arrêter. Les arbres ont commencé à disparaître. Le sol paraît très sableux. L’herbe est pas mal jaune. Tout cela se désertifie tranquillement pas vite on dirait bien… la nuit tombe tôt ; comme d’habitude, je veux éviter de rouler dans le noir. Je continue quand même encore un peu, et je rentre en Californie. Ça faisait longtemps que j’étais pas venu ! Je roule encore un peu, avant de prendre un départ de route au hasard. La route devient rapidement chemin de terre, qui se dirige vers un groupe d’arbre. C’est juste parfait. C’est calme, tranquille, un peu caché de la route principale. Exactement ce dont j’ai besoin.
Je m’arrête, je m’installe rapidement. Mauvaise surprise au moment où j’essaie de basculer le radiateur de l’électricité au propane. Ça ne semble plus marcher… je n’ai pas trop de produits frais, mais j’en ai quand même quelques uns… j’aimerais bien que le frigo ne me lâche pas. Je me dis que peut être c’est juste temporaire, que ça ira mieux plus tard. Il peut continuer à fonctionner à l’électricité pour le moment… mais même avec une batterie toute neuve, je ne pense pas qu’il ait une autonomie d’une semaine ! Surtout qu’à la base, la batterie auxiliaire, c’était pour recharger l’ordinateur et faire fonctionner l’imprimante. Enfin… je regarderais tout ça de plus prêt quand il fera jour. Avec un peu de chance, ça se réparera tout seul !
Parce que ça faisait longtemps.
Je me réveille avec l’impression d’avoir quand même assez bien dormi. Pourtant, ce matin je ne suis pas motivé plus que ça. En même temps, je ne suis pas pressé. J’ai même tout mon temps. Je rêvasse, je traînasse, je me rendors comme une masse.
Il sera finalement 10h légèrement passé quand je me réveillerais pour de vrai et me déciderait à descendre du lit. J’ai envie de faire un peu de ménage et de rangement. J’essaie d’enlever un peu de poussière sur les objets à l’intérieur du van ; j’essaie d’en faire sortir un peu aussi. J’enlève la poussière sur les vitres, histoires de voir un peu mieux ; celle sur la carrosserie, je la laisse. De toute façon, ce n’est pas de la poussière :
Je range un peu tout, donc, et prépare mon linge sale (et surtout poussiéreux). C’est amusant à quel point mes vêtements gothiques, théoriquement noirs, sont rendus d’un gris sable des plus caractéristiques de tout ce qui a été à Burning Man ! Enfin… dans cet endroit de maisons de locations et de résidences touristiques, je ne pense pas que trouver une laverie soit bien difficile.
Histoire de m’assurer que mon changement de carrières se fera sans problème.
Comme prévu, je trouve une laverie assez rapidement. Et en plus, j’arrive à pirater une connexion internet dans les environs. C’est parfait. Pour compléter, il y a une épicerie où je vais pouvoir acheter du produit à lessive et un coupe ongles (oui, ça aussi ça devient nécessaire). Je prépare donc mon sac de linge sale, change de pantalon pour laver celui que je porte présentement, prends mon porte feuille pour aller faire les courses, faire la porte, et regarde mon pantalon à l’intérieur. Oui, celui dans lequel j’ai mis mes clés en sortant de la voiture. « Seb embarré en dehors du Pourquoi Pas ?, deuxième prise ». Bon, en même temps, j’ai mon portefeuille et une épicerie juste à côté, ça ne devrait pas poser trop de problèmes. Tout ce dont j’ai besoin, c’est d’un cintre. La suite, je maîtrise parfaitement.
Bon, évidemment, ils en ont des cintres, mais juste en plastique. Les vieux modèles pour voleur de voitures, ils ont arrêté de les faire. Pas grave, je trouve mon bonheur au rayon « barbecue ». Et oui, je vais devenir le premier voleur de voitures qui débarre les portes de l’extérieur avec des piques à brochettes ! Je fais donc mes petites emplettes, et m’installe avec mes piques. Échec critique avec le premier : je le laisse tomber dans la porte. Celle-ci fera sans doute « gling gling » à l’avenir… Je recommence donc avec un deuxième, en faisant plus attention. Je n’en ai que trois, je n’ai pas trop le droit à l’erreur !
Je me rends malheureusement compte que les piques à brochettes vendus chez Safeway sont trop courts pour pratiquer du crochetage de serrure. Je me bas pendant un moment, espère, attends un miracle, sans succès. En même temps, je suis au milieu d’un parking. Je me dis que peut être quelqu’un appellera la police, et que je pourrais demander un coup de main. La seule personne qui s’intéresse à ce que je fais discute un peu avec moi, me dis qu’il n’a pas vraiment ce qu’il faut pour m’aider. Je lui demande s’il y a un poste de police pas trop loin ; il me répond en rigolant qu’ils ne pourront pas faire grand chose pour moi, à part m’arrêter parce que je suis allé à Burning Man. Mouais, bon… en tout cas, la chose est claire : très prochainement, je laisse une clé cachée à l’extérieur du van !
Tiens, en parlant de police, j’en vois une de l’autre côté de la rue. Je vais donc lui demander de l’aide ; il me confirme ce que je pensais : comme à Montréal, les policiers n’ont plus le droit d’intervenir pour ouvrir les voitures barrées de l’intérieur. J’oublie de demander la raison à l’agent qui se trouve devant moi. Tout ce qu’il peut faire, c’est appeler une dépanneuse. Eux ont le droit de le faire. Il se renseigne : ça coûte 90$. Pour ce prix là, je dois pouvoir en acheter pas mal des cintres !
Je remercie monsieur l’agent, retourne faire un tour dans l’épicerie, sans succès. Je ne vois rien de mieux. Je tente ma chance dans une boutique de linge, mais comme me dit la madame, maintenant ils n’ont plus que des cintres en plastique. Les cintres en métal, c’est vieux. Vieux ? Mon regarde se porte de l’autre côté de la rue. Un motel. Rien de tel, il me semble, pour trouver des vieilleries miteuses et crasseuses ! Je demande donc de l’aide à la madame de l’accueil, qui me revient gentiment avec trois cintres en plastique. Ok, donc mon accent est toujours aussi mauvais. Je la remercie, lui réexplique. Ah ! Non, elle n’a pas de cintres en métal. Pas grave ; des motels, ça ne manque pas. Je m’essaie dans un deuxième. La madame, ici, comprends tout de suite. Bon, mon accent n’est quand même pas si mauvais alors. Elle revient rapidement avec un vrai cintre en métal. Yé ! Je suis persuadé d’être sauvé.
Je m’en reviens au van. Démonte le cintre, le tord, le pli. Trente secondes après, la porte est ouverte. Okay, ça y’est, me voilà rendu grand maître de l’ouverture de portes par l’extérieur avec un cintre en métal. Bon, par contre ça me prendra un bon 5 minutes à ressortir le cintre de la porte, mais j’y arrive quand même ! Tout cela s’est fait en plein milieu d’un parking très achalandé. Comme quoi, j’en ai confirmation une fois de plus : ayez l’air naturel, et vous pouvez voler tout ce que vous voulez !
Tufas by night, ou « petit tour sur une autre planète ».
Je quitte finalement la ville fantôme, pour revenir là d’où je viens. La route est toujours aussi agréable, et comme je viens d’imposer dix kilomètres de plus de route engravillonnée à Pourquoi Pas ?, je le laisse une fois de plus faire tout ce qu’il veut. Du coup, la grande descente sur le lac se fait relativement rapidement. Enfin… pas si rapidement que ça si on considère la distance dont j’ai besoin pour dépasser un vélo. Il semble avoir du plaisir le monsieur sur ses deux petites roues ! Ça me rappelle de bons vieux souvenirs, dans la descente de Voiron, à l’époque où on pouvait foncer tout droit jusque dans les parvis d’église. Que voulez-vous… les choses changent !
Lee Vining -la plus « grosse » ville sur le bord du lac- n’a pas changé elle. Toujours pas grand chose. Je m’y arrête le temps d’acheter des barres de céréales pour demain. J’envisage toujours de faire le Half Dome, même si j’ai l’impression que je risque d’être serré par le temps… enfin, on verra bien. Peut être que ça sera pour une autre fois sinon… un restaurant familial avec ses odeurs de fritures me fait de l’oeil ; ou plutôt du nez. Ou de l’estomac, rendu là, je ne sais plus trop. En tout cas, je sais que j’ai faim. Je résiste pourtant magnifiquement bien, en me forçant à penser à ma purée en flocon qui s’en vient. Avec du lait en poudre. Un vrai moment de bonheur en perspective.
D’abord, il me faut repérer où est l’est dans le coin. J’ai quelques projets de levé de soleil pour demain matin. De toutes façons, il faudra que ma journée commence tôt… alors autant en profiter ! Et puis je me dis que depuis le temps que j’en ai envie, tremper les pieds dans le lac me fera un bien fou, malgré l’odeur de souffre. L’eau était à une température relativement agréable en juin (j’avais réussi à rentrer à moitié dedans) donc je me dis que début septembre, après un été à chauffer, ça doit être que du bonheur. Je reprends la route jusqu’à la petite plage où on s’était arrêté avec Fannie. J’avais oublié le chemin de graviers pour y aller… décidément, c’est vraiment la journée où je fais souffrir Pourquoi Pas ? aujourd’hui. Mais malgré toutes les vibrations, il reste parfaitement imperturbable. Tant mieux !
Je mets un doigt dans l’eau. Elle est horriblement froide. Comment ça se fait, alors qu’elle était si chaude en juin, et qu’en théorie elle aurait du passer l’été à chauffer, je n’en ai pas la moindre idée. En tout cas, c’est raté pour le bain de souffre de ce soir. Passage au plan B : le parking des tufas, ces grosses constructions en calcaire 100% naturel. J’ai fait pas mal de photos en juin dernier, je ne vois pas l’intérêt de refaire les mêmes. Alors à la place, je me prépare ma purée, et mange tranquillement, en attendant que la nuit tombe. Une fois qu’il fait bien noir, je me force à oublier que je suis un citadin qui panique quand il n’a pas son lampadaire, et je me dirige sur le bord du lac, avec mon appareil photo. Disons que ça valait la peine de combattre un peu ma peur du noir. En fait, j’y passerais des heures quand je vois le résultat… mais au bout d’un moment, le noir finit par prendre trop de place, alors je rentre au van. Avec quand même quelques magnifiques photos coup de coeur, et quelques souvenirs de la grande ourse.
Sans les freins !
Je remonte dans le Pourquoi Pas ? avec un grand sourire. Il est 15h30, j’attaque la redescente jusqu’à Lee Vining. Mon enthousiasme est peut être un peu trop grand. J’oublie d’utiliser le frein moteur, et je laisse le van prendre beaucoup de vitesse. Du coup, je me retrouve à beaucoup utiliser les freins. Une odeur de caoutchouc brûlé me rappelle que je pèse une tonne et demi, et que je viens de perdre plus de 1000 mètres d’altitude, une deuxième fois. Je calme le jeu, histoire d’arriver sain et sauf dans la vallée.