J’ai rencontré Danielle le 23 octobre, aux environs de 18h (heure de Portland, donc 20h heure de Chicago). Je dois la déposer au train pour 14h. À quelques heures près, donc, on vient de passer un mois ensemble (ou, selon la façon de voir, on vient de passer un mois et quelques heures ensemble). De tout ce temps, on a à peu prêt tout le temps été ensemble, à quelques mini exceptions près (en général, pendant que je faisais réparer le van). On s’est posé la question à plusieurs reprises. À quel moment on allait finir par se taper dessus ? Surtout en vivant dans un espace aussi limité que le Pourquoi Pas ? ! On l’a mutuellement reconnu, c’était l’une des raisons pour laquelle on voulait qu’elle vienne à Montréal. Essayer d’étirer encore plus cette période. Voir jusqu’où on pouvait se rendre.

On a enchaîné les moments magnifiques, les découvertes, les paysages ; on a développé une très belle complicité (notamment au niveau musical). Et on est tout les deux d’accord sur le fait que ça va pas être facile de se dire au revoir. Mais que en même temps, on va pouvoir tout les deux rerespirer un peu, chacun de notre côté, et se replonger chacun dans nos projets !

Il n’y a plus personne dans l’appart quand on se lève finalement. Il reste un peu de mélange, alors je fais des panecakes, pour changer un peu des crêpes. On récupère ce qu’on a laissé traîné, on range un peu, on retourne au van, où Danielle rassemble ses affaires, et referme ses bagages. Le Pourquoi Pas ? nous emmène ensuite jusqu’à la gare. J’accompagne Danielle pour récupérer son billet de train. J’ai même un mini pincement de jalousie. Moi aussi j’aimerais ça faire une telle balade en train ! Enfin, peut être la prochaine fois. On se dit un dernier au revoir, et je retourne au van. Tout seul.

C’est étrange ; au début du voyage, j’ai commencé à écrire un livre, en rapport plus ou moins direct avec mon voyage. Et la scène de la séparation, et du van beaucoup trop grand, et beaucoup trop vide, je l’avais déjà écrite. C’est étrange de ressentir quelque chose que l’on avait imaginé ressentir et que l’on avait décrit, quelques semaines au paravent. En même temps, ce n’est pas la première fois que mon voyage me fait la surprise, et je commence à m’y habituer.

Je fais une dernière mini pause à une station service, histoire de remettre un peu d’essence dans le van, et je prends la route. Il est 14 heure exactement. Je n’ai aucune idée de quand je vais m’arrêter, de où je vais dormir, et de quand je vais arriver.

À 16h30, je fais ma première pause, et j’en profite pour refaire le plain. 2h30, 250 kilomètres. C’est un bon rythme.

18h30, deuxième pause. Le van est un plaisir à conduire. Il est comme moi. Il sent l’odeur de l’écurie, alors il en profite. Il sait que c’est la dernière ligne droite. Il en profite. Il la déguste. Il l’apprécie. J’ai récupéré un peu de musique sur l’ordinateur à Danielle, ce qui me permet de changer agréablement de ce qui m’accompagne depuis le début. Et surtout, j’ai récupéré ses morceaux à elle. Alors elle est toujours un peu dans le van avec moi, et ça, ça fait du bien quand même. Je continue à découvrir ce qu’elle fait, je continue à être impressionnée. J’aime sa voix, mais j’aime aussi sa musique. J’aime ses interprétations. J’aime ce qu’elle fait.

20h30. La frontière approche à grand pas, alors je fais une pause pour m’assurer, juste au cas où, que la plupart des bouteilles de bière sont bien cachées. J’ai évidemment l’intention d’en déclarer (moins que le seuil limite) mais je ne vais pas tout déclarer, j’en ai trop. De toutes façons, j’ai suffisamment de bonnes cachettes dans le van pour qu’ils ne trouvent pas tout en cas de fouille.

21h. Arrivée à la douane. Tout est réglé en deux minutes (incluant le délais d’attente des trois voitures devant moi). Ça fait du bien de revenir dans un pays civilisé. Où on vous laisse rentrer après seulement 5 questions, posées en français et avec le sourire. Je reprends la route.

22h. L’Ontario défile tranquillement. Je continue à me demander où je vais m’arrêter, sans trop savoir. Je me sens en pleine forme. J’ai pris un premier café.

Minuit. La traversée de Toronto se fait sans problème, et rapidement. Je regarde quand même, halluciné, les embouteillages dans l’autre direction. Des embouteillages. Un lundi soir. À minuit. Ça surprend !

1h30. Si je continue à ce rythme, je serais à Montréal vers 5h30, mais je vais peut être m’arrêter avant. Contrairement au Nouveau Brunswick ou au Kansas, l’Ontario est loin d’être désert. La file de droite est une succession de camions. Il y a énormément de trafic, et je sais que la lumière me fatigue.

2h30. Je prends un deuxième café, à tout hasard.

4h. Je me rends compte que l’objectif n’est plus très loin. En même temps, je commence à ressentir la fatigue, et mon but n’est pas de visiter un fossé à 100 km de l’arrivée. Je m’arrête pour une pause un peu plus longue. J’en profite aussi pour manger un peu de fromage. En général, manger me réveil.

4h30. Manger m’a bien réveillé. Je suis en plein forme au moment d’entrer au Québec. La traversée de l’Ontario m’aura quand même occupé un bon moment !

5h. Entrée sur l’île de Montréal. Dernière ligne droite. Le plaisir d’être de retour à chasser les dernières traces de fatigue depuis un bon moment maintenant.

Il est 5h30, très exactement, quand je coupe le contact, juste au pied de l’escalier. Il m’aura fallu 14h30 (il y a eut un dernier changement d’heure juste après Chicago) pour aller du centre ville de Chicago au centre ville de Montréal. 1389 kilomètres. Ça fait du 95,8 de moyenne. J’ai un peu délaissé l’option « économie d’énergie » sur le coup, mais je considère que ça en valait la peine. Ça fait du bien d’être arrivé.

Je n’ai pas les clés, mais je sais qu’Estelle se lève à 6h30, alors je vaque tranquillement à mes affaires, après lui avoir envoyé un mail (en utilisant ma propre connexion internet, ça faisait bien longtemps !) pour lui dire que j’attends sagement devant la porte.

6h32. Estelle est vraiment ponctuelle ! Je suis de retour dans l’appartement. Sentiment étrange. Je suis de retour chez moi, mais ça n’est pas vraiment chez moi. C’est chez Olivier et Estelle maintenant. Et puis je ne suis ici que pour deux semaines dans un premier temps. Alors il va falloir que je me réaproprie tout ça. Que je me retrouve là dedans. Je regarde, je redécouvre. C’est beau chez nous. Ça fait du bien !

8h05. J’ai fini de rattraper le retard sur le blog. Mon premier carnet de voyage qui se termine en même temps que le voyage. C’est ce que l’on appelle être à l’heure ! Pour une fois…

Bon, d’accord, ce n’est pas tout à fait la fin du carnet de voyage. Il me reste encore un certain nombre de debriefings à faire. Et puis je dois sortir plein de nombre. J’adore jouer avec les nombres en fin de voyage. Mais je vais sans doute me donner quelques jours pour atterrir quand même. Ah… tiens… et si j’organisais un dernier mini concours pour faire patienter les lecteurs ?